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une législation libérale sur les neutres, laissent une liberté suffisante aux transactions. L’activité intérieure a les mêmes alimens, et les travaux ont la même utilité. C’est en restant actifs et puissans que les intérêts peuvent jouer leur rôle et être une force de plus. Quant aux ressources spéciales dont le gouvernement a besoin dans mi moment comme celui-ci, il les avait demandées, on le sait, à un emprunt par voie de souscription nationale. Cet emprunt s’est réalisé sans effort ; on en a les chiffres aujourd’hui, ils dépassent de beaucoup la somme de 250 millions, primitivement fixée. Le chiffre des souscriptions atteint 467 millions, sur lesquels 253 millions viennent des départemens, 214 de Paris. Ces souscriptions émanent de 98,000 souscripteurs. Si on décompose encore ces chiffres, on trouve que les souscriptions qui ne dépassent pas 50 francs sont au nombre de 60,000, et s’élèvent à 49 millions. C’est l’indice de la part que les petits rentiers ont prise à l’emprunt. Aujourd’hui il s’agit de réduire proportionnellement le chiffre de 467 millions, représentant les souscriptions, au chiffre de 250 millions, représentant la quotité de l’emprunt. Comme on sait, les souscripteurs dont la demande n’excède pas 50 francs de rente ne subiront pas de réduction. Il y a une portion de 186 millions sur laquelle la réduction sera de 52 pour 100. Dans son ensemble, c’est une opération accomplie. L’emprunt récent représente une ressource extraordinaire en vue de circonstances extraordinaires : c’est en quelque sorte la part affectée à l’avenir dans les charges d’une lutte où s’agitent les destinées du pays. Mais comment l’emprunt se lie-t-il à l’ensemble de nos dépenses et de nos ressources ? En un mot, quel est l’état normal des finances de la France ? Ce sont les budgets qui peuvent le dire. Il serait difficile de préciser l’influence que les événemens auront pu avoir sur le budget de 1854, encore en exercice. En attendant, le budget de 1855 vient d’être présenté au corps législatif. Combiné en vue de circonstances normales, calculé dans la prévision d’un accroissement régulier des recettes publiques, il offre en perspective un revenu de 1,560 millions, destiné à couvrir une dépense de 1,554 milhons. Si ces prévisions se réalisent, il y aurait donc un excédant de 6 millions ; mais dans ces évaluations ne sont pas comprises les dépenses extraordinaires nécessitées par la crise actuelle. Ce sont là les deux côtés de notre situation financière, où l’imprévu, on le voit, a malheureusement encore une assez grande place. Quelque graves cependant que soient par eux-mêmes ces problèmes financiers, ils ne sont qu’un des élémens du mouvement universel de la société française, qui a eu si souvent, depuis un demi-siècle, à mettre en jeu les ressorts de sa puissance, qui a eu à subir tant d’autres épreuves, qui est passée par tant d’autres crises intérieures ou internationales, devenues aujourd’hui de l’histoire.

Il y a, ce semble, dans cette série d’évolutions qui composent notre histoire contemporaine, un fait qui de temps à autre vient remettre plus vivement sous nos yeux ces époques écoulées en marquant le cours du temps et la fuite des générations : c’est quand disparaissent les hommes qui dans ces périodes diverses ont un moment personnifié le pouvoir, une idée, une force, un entraînement même. Hier encore, c’était M. de Villèle, qui a été l’un des arbitres de la France sous la restauration. M. de Villèle disparaissait en 1827, dans un mouvement universel d’opinion, après un long ministère, et il a vécu assez pour voir bien des justices se faire à son égard. On a reconnu en