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l’hiver, prolongées très tard, ne permirent de reprendre les hostilités que le 2 (14 juin. Paskévitch, après avoir battu les Turks coup sur coup à Kaïnly et à Milly-Douze, auprès des monts Saganlouk, arriva en vue d’Erzeroum le 25 juin suivant (7 juillet). Les Russes s’emparèrent aussitôt du Top-Dag, haute montagne qui domine la citadelle du côté de l’est, à une portée de canon, et où les Turks avaient placé une batterie, et ils y transportèrent leurs pièces de campagne. En même temps les assiégés ouvrirent un feu terrible, auquel répondit si bien celui du Top-Dag, que la place capitula le 27 (9 juillet). Le seraskier et quatre autres pachas furent au nombre des prisonniers. Dès que Paskévitch fut maître d’Erzeroum, il envoya des détachemens et des colonnes mobiles dans tous les sandjaks environnans. Les forteresses de Baïbourt et de Khnis tombèrent au pouvoir du général Bourtzof; la forteresse d’Olta, qui avait été évacuée par les Eusses et où les Turks étaient rentrés aussitôt, fut reprise par le colonel arménien prince Argoutinsky-Dolgorouky, à la tête d’un petit détachement de cavalerie musulmane. Le 28 septembre (10 octobre), Paskévitch se mit en mouvement vers Trébisonde, où le nouveau seraskier l’attendait dans les environs de Gumusch-Khané, lorsque la nouvelle lui parvint que la paix venait d’être signée à Andrinople (2-14 septembre). Le traité qui en réglait les conditions fit perdre à la porte-Ottomane Anapa, Poti et tout le littoral de la Mer-Noire, ainsi que la plus grande portion du pachalik d’Akhaltzikhe, lui arracha la cession de ses droits de suzeraineté sur les Adighes ou Tcherkesses du Kouban, et stipula, comme le traité de Tourkmantchaï, la liberté d’émigration pour les populations chrétiennes, Arméniens, Grecs et Bulgares, qui voudraient passer sur le territoire russe[1]. Aujourd’hui, comme à l’époque dont nous venons de retracer les principaux faits, les destinées de l’Arménie sont engagées dans la guerre qui vient de se rallumer, et elle est appelée à en être encore le théâtre en Asie[2].

Ce n’est pas seulement une perte de territoire qu’eurent à subir la Turquie et la Perse par suite des traités de Tourkmantchaï et d’Andrinople, mais aussi une diminution notable de leurs populations de race arménienne, qui profitèrent de la faculté d’émigrer que ces traités leur assuraient. Pour attirer chez elle ces populations, la

  1. F. Fonton, la Russie dans l’Asie-Mineure, ou campagnes du maréchal Paskévitch en 1828 et 1829, Paris, 1840.
  2. On a pu lire, dans la lettre récente de l’empereur Nicolas à l’empereur des Français, que l’un des griefs articulés par le tsar est que les Turks ont ravagé la province d’Arménie. Les dernières nouvelles venues d’Asie nous ont appris aussi que la ligue d’opérations de l’armée russe s’étend en ce moment du mont Ararad, au centre de l’Arménie, jusqu’à Batoum, sur le littoral de la Mer-Noire.