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a pour limite méridionale le cours de l’Araxe, et se prolonge au sud de ce fleuve jusqu’à l’Ararad; à l’ouest, elle touche au pachalik d’Erzeroum; vers l’est, elle s’étend, par les plaines du Mougan, jusqu’à la mer Caspienne. Un oukase du 9-21 mars 1828 l’a partagée en trois préfectures : Érivan, Nakhitchévan et Ordoubad. L’Arménie turke se divise en trois gouvernemens généraux, eyalat, administrés par des pachas ayant rang de visir : 1° Erzeroum, d’où dépendent les districts, elvïé, de Tchildir, Kars, Bayézid, Van et Mousch; 2° Diarbékir, et 3° Kharbrout, d’où relèvent les districts d’Arabkir et de Malathia. Si l’on ajoutait à cette énumération les contrées de l’Asie-Mineure qui faisaient jadis partie de l’Arménie, on aurait à mentionner les eyalat d’Adana, Bozouk et Sivas. La portion qui est restée à la Perse, située sur la rive droite de l’Araxe, n’est pas très considérable, et a été réunie à l’Aderbeïdjan.

Au sud et à l’ouest, dans les districts montagneux, les Turkomans et les Kurdes promènent d’une yaïla[1] à l’autre leur vie nomade, leurs nombreux troupeaux et leurs habitudes de rapine et de brigandage. Sur plusieurs points, les Arméniens paraissent s’être incorporés aux Kurdes et avoir pris les mêmes instincts, les mêmes mœurs. C’est ainsi que les Rischvans, dont le territoire est compris entre Kharbrout et Erzingan, dans un espace de trente lieues, et qui ont poussé à l’ouest jusqu’au pachalik de Bozouk, comptent parmi eux la tribu Badvéli, de souche arménienne, comme son nom semble l’indiquer[2]. La branche des Manektsi, renommée pour sa bravoure et où chaque homme naît soldat, se prétend issue des Mantagounis, et celle des Sellivans, des Reschdounis, deux nobles familles de l’ancienne Arménie[3].

Placée sous la même latitude que le midi de l’Espagne et le royaume de Naples, l’Arménie est dans des conditions de climature fort différentes. Les chaînes de montagnes qui la coupent dans tous les sens et celle du Caucase, qui au nord la domine de son infranchissable rempart, toujours couronnées de neiges et de sombres vapeurs, entretiennent une température très froide sur les hauteurs du plateau arménien. L’hiver y fait sentir ses rigueurs les deux tiers de l’année; mais dans les plaines basses règne pendant l’été une chaleur excessive. Immergées dans une atmosphère ardente et humide, baignées par des eaux jaillissant de tous côtés, ces vallées sont d’une fertilité sans limites. Les productions des zones tropicales s’y marient à celles des régions alpestres. Telle du moins nous apparaît l’Arménie dans

  1. Plateau de montagnes couvert de pâturages. Ce mot est turk ou tartare.
  2. Ce nom signifie en arménien honorable, digne de respect.
  3. Boré, Mémoires et Correspondance d’un voyageur en Orient, t. Ier, p. 371.