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5 pieds et 5 pieds 2 pouces; ils sont d’une constitution solide et robuste, leur crâne est sphérique et rarement pyramidal, leur angle facial s’ouvre de 80 à 85 degrés. Ils ont les cheveux noirs, les traits fortement accentués, le nez très saillant et aquilin, le teint animé, les lèvres pleines, les dents belles et espacées. Leurs autres traits particuliers, remarqués aussi par un voyageur qui a parcouru l’Arménie il y a quelques années, M. Dubois de Montpéreux[1], sont un cou gros et rétréci surmontant des épaules et un torse largement développés, des membres courts et liés au tronc par une puissante musculature. Dans les classes soumises aux habitudes d’une vie sédentaire, dont l’alimentation a pour base le riz et pousse à l’obésité, ils deviennent, en avançant en âge, lourds dans leur démarche et gênés dans leurs mouvemens.

Les Arméniennes, lorsqu’elles sont encore jeunes et qu’elles n’ont pas acquis cet excès d’embonpoint si précoce chez elles, sont généralement d’une beauté remarquable, d’une admirable fraîcheur de carnation. Les Européens qui les ont entrevues à la sortie de l’église, à travers un pli dérangé du yaschmak qui voile leurs traits aux regards indiscrets, sont unanimes pour leur rendre ce témoignage. Elles aiment avec passion les riches parures, les étoffes de soie aux vives couleurs, aux broderies d’or et d’argent, les pierreries étincelantes, les cachemires de l’Inde aux dessins bizarres et éclatans. Leur coiffure, édifice ingénieux de rubans et de fleurs, est d’un goût exquis. Elles ont les cheveux d’un noir foncé, les yeux de la même couleur, bien fendus et très vifs, sous des sourcils parfaitement dessinés; mais l’ovale de leur figure n’est peut-être pas d’un galbe aussi élégant que celui des Géorgiennes. L’habitude de rester toujours assises à l’orientale, peut-être aussi d’envelopper les jambes des nouveaux-nés d’une masse de linges, et quelquefois des affections rachitiques, font qu’elles ont souvent, comme les Turkes, les pieds déviés et une démarche disgracieuse. Leur vie, consacrée aux soins du ménage et à l’éducation des jeunes enfans, s’écoule au fond du gynécée ou harem, s’il est permis d’appliquer à la société arménienne un terme qui pour nous autres Européens réveille l’idée de la polygamie musulmane; mais loin de croire que les Arméniens, en séquestrant leurs femmes, se sont rendus les imitateurs des Turks, on ne saurait douter que ces deux peuples n’ont fait que se conformer à une coutume en vigueur de toute antiquité dans l’Asie occidentale. Les Arméniens unis, même en Orient, tendent à laisser à la femme une mesure de liberté aussi grande que celle dont elle jouit parmi nous. Partout en Europe, en dehors de l’empire ottoman,

  1. Voyage autour du Caucase, t. Ier, p. 385-386.