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attributions du patriarcat. Il fut convenu que l’administration religieuse serait confiée à un prélat nommé directement par la cour de Rome et ayant le titre de primat de Constantinople, et que la gestion des affaires temporelles, le soin de représenter les catholiques auprès du gouvernement turk seraient remis à un ecclésiastique, simple prêtre ou moine, revêtu du titre de patriarche civil. Mgr Hassoun, ancien élève de la propagande, est aujourd’hui primat de Constantinople. Les fonctions de patriarche civil, remplies précédemment par Mgr Salviani, que des difficultés survenues avec la porte ont forcé de donner sa démission, ont été dévolues depuis le mois de septembre 1852 à Mgr Nicolos Gagon, religieux antonien du Liban. Le patriarche civil a pour le seconder dans l’exercice de ses attributions un conseil mi-parti ecclésiastique et séculier.

Les Arméniens catholiques de la Russie sont soumis au métropolitain du rite latin, qui réside à Saint-Pétersbourg.

Dans la hiérarchie de l’église unie, on compte cinq sièges métropolitains de l’ancienne Arménie, qui ne sont plus aujourd’hui que des archevêchés in partibus : ceux de Schirag, de Daron, de Van, de Siounik et de Césarée. Les titulaires de ces deux derniers sièges sont les supérieurs des deux maisons de la congrégation des mekhitharistes à Venise et à Vienne. Je dois entrer ici dans quelques détails sur ces deux célèbres monastères, devenus depuis une cinquantaine d’années un foyer de production littéraire très active, un centre d’études et d’instruction pour la jeunesse arménienne. La pensée du fondateur de cet ordre à la fois religieux et savant fut la régénération intellectuelle de ses compatriotes. Raviver le culte et l’étude de la langue antique, souvenir presque effacé pour eux d’une commune patrie; publier sous une forme correcte et dans des conditions de bon marché les monumens que cette langue a produits, l’enrichir de traductions des meilleurs ouvrages de nos littératures occidentales, créer un enseignement calqué sur les meilleures méthodes européennes appropriées aux besoins et au génie de la nation, enfin la ramener par la prédication à se réunir à la grande famille catholique, tels furent et la pensée de Mekhithar et les moyens qu’il conçut comme les plus propres à la réaliser.

Au commencement du siècle dernier, la nation arménienne, après tous les désastres qui l’avaient frappée, dégradée par l’oppression, s’acheminait rapidement vers une complète décadence intellectuelle; elle touchait déjà aux limites de la barbarie. Sa langue et ses traditions allaient se perdant chaque jour, pour faire place aux idiomes et aux mœurs des peuples parmi lesquels elle vit. Pour la relever de cet état d’abaissement, il fallait une volonté puissante, un patriotisme ardent. Ces qualités se rencontrèrent, rendues plus