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métropole navale d’un de nos plus riches territoires, d’une ville de 45,000 âmes, et du seul refuge qui s’ouvre sur une côte à la fois très dangereuse et très fréquentée. Aussi l’amélioration de l’entrée de l’Orne est-elle un des problèmes maritimes dont se sont le plus préoccupés les esprits.

M. Cachin, dont le nom s’est attaché à la digue de Cherbourg, était, en 1795, chargé de l’inspection des ports de la Normandie. Il chercha des remèdes aux vices de l’atterrage de l’Orne, et les jugea sans doute aussi incorrigibles que l’étaient aux yeux de Vauban ceux de l’embouchure du Rhône, car il proposa une solution analogue au projet du canal d’Arles à Bouc. Il conseilla de dériver d’un bassin à flot creusé sous les murs de Caen un canal maritime qui, côtoyant l’Orne, s’infléchirait à l’ouest au-dessous d’Ouistreham, et gagnerait la mer devant Colleville, en dehors des sables dont l’entrée de la rivière est obstruée. La longueur du canal aurait été de 17 kilomètres, et l’Orne redressée serait restée au service du petit cabotage.

Le 24 mai 1811, Napoléon, allant à Cherbourg, montait à cheval à quatre heures du matin avec le prince Eugène, l’amiral Decrès, MM. Sgansin et Tarbé, inspecteurs des ponts et chaussées, et courait explorer l’embouchure de l’Orne. Le 25, il décrétait le creusement d’un canal de Caen à la mer, et y contribuait par un don de 700,000 francs à prélever sur son domaine extraordinaire. La guerre de Russie et la chute de l’empire mirent à néant le décret, et l’on n’est revenu qu’après deux révolutions aux projets sur l’atterrage de l’Orne. Une loi du 19 juillet 1837 a consacré une somme de 4,040,000 francs à la construction d’un bassin et à l’ouverture d’un canal de 4 mètres de profondeur, débouchant au travers des dunes d’Ouistreham entre des jetées à claire-voie. Les lois des 19 juillet 1845 et 5 mai 1846 ont pourvu à des mécomptes, l’un de 1,200,000, l’autre de 3,800,000 francs. On en est à seize années de travaux et à 9,040,000 francs de dépense sans bien savoir quand se termineront ni comment seront entretenus des ouvrages auxquels le commerce ne paraît prendre qu’un médiocre intérêt.

Ces travaux n’ont pas inspiré à tous les ingénieurs qui les ont étudiés une égale confiance, et quoique les mécomptes éprouvés dans les dépenses n’en présagent pas nécessairement d’analogues dans les résultats, il est regrettable qu’on ait dédaigné dans cette entreprise le concours d’agens naturels qui fonctionneraient avec une sûreté que l’art atteint rarement. Les sables sont ici l’ennemi à combattre, et ils ne peuvent être domptés que par la chasse des marées : c’est donc à diminuer l’affluence des sables et à augmenter celle des eaux qu’il faut s’appliquer.

Les sables que les vents enlèvent au rivage et déposent à l’embouchure de l’Orne ne sont pas difficiles à fixer : les dunes adjacentes