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apportées par le canal correspondent à la fertilisation annuelle de 12,000 hectares, et ce mouvement doit tripler par l’effet de l’exemple et du perfectionnement des communications. La contrée ne rend, dit-on, qu’une incomplète justice aux énergiques intelligences qui, se raidissant contre tant d’obstacles, les ont vaincus à son profit plus encore qu’au leur. Il en est ainsi dans bien d’autres pays que la Normandie, et les hommes qui, pour faire mieux que le passé, troublent le présent dans ses habitudes n’ont jamais eu de reconnaissance à espérer que de l’avenir.

L’ouverture du canal de la Vire à la Taute et les obstacles mis par le pont du Vay à la navigation de la basse Vire ont transféré d’Isigny à Carentan les relations de Saint-Lô avec la mer. Le magnifique bassin de Carentan suffirait à un mouvement de 500,000 tonneaux, et la profondeur en est de cinq mètres ; mais la navigation en profitera peu tant que la profondeur du chenal par lequel il communique avec la mer sera beaucoup moindre. Les portes de flot de la Taute et de la Douve agissent ici comme le faisaient naguère celles du pont du Vay sur la Vire, et les mêmes maux réclament les mêmes remèdes. L’approfondissement du chenal suivrait de près la libre introduction des marées dans les canaux qui se ramifient au travers des marais, et comme c’est par le chenal que se dégorgent toutes les eaux intérieures, l’opération qui dégagerait l’accès du port procurerait le dessèchement des terres et rendrait la santé à la population. La seule dépense considérable serait l’exhaussement des berges entre lesquelles devraient remonter les marées.

Les marais du Cotentin n’ont obtenu ni de la restauration, ni du gouvernement parlementaire, autant d’attention que de l’empire : les canaux principaux, qui doivent servir à la navigation aussi bien qu’à l’évacuation générale des eaux, ont été fort délaissés par l’état, et pourtant ces voies auraient ici des avantages spéciaux qu’il n’est pas permis de méconnaître. La tangue, dont elles faciliteraient le transport, ne nuit pas moins à la navigation maritime par les encombremens qu’elle forme dans les Vays qu’elle ne profite à l’agriculture comme moyen d’affermir et d’amender le sol. Le pays en employait 35,000 mètres cubes en 1815; il en emploie aujourd’hui 120,000, et pour satisfaire sans parcimonie et sans profusion à tous les besoins, il en faudrait le décuple. La baie ne saurait en fournir autant. Ainsi, pour enlever tout ce que le flot y dépose de nuisible à la navigation, il ne manque à l’agriculture que le développement de la canalisation, et la fécondation de la contrée est prête à devenir l’instrument du curage de la baie.

On recueille aujourd’hui dans le Petit-Vay, derrière des digues longitudinales qui ont servi de modèle à celles entre lesquelles