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de la concordance des observations faites sur la montée de l’eau en 1640 par M. d’Infreville, et en 1833 par M. Beautems-Beaupré, qu’en deux cents ans le niveau de cette grève n’a pas sensiblement varié. La rade s’étend au sud-est; elle est couverte de ce côté par un banc de sable qui sert de tête à ceux de Saint-Marcouf, du nord par l’île de Tatihou, de l’ouest par La Hougue et par la terre; l’ancrage en est excellent; l’étendue en est de 300 hectares, sur lesquels 25 peuvent recevoir des vaisseaux de premier rang.

Vauban se rendit sur les lieux en 1694. Il jugea que l’établissement proposé ne pouvait pas coûter moins de 16 millions, et qu’un vice irrémédiable, celui de sa position, l’empêcherait de jamais rendre des services proportionnés à cette dépense. Il montra que les vents d’ouest rendaient souvent ce prétendu refuge inaccessible, que ceux de l’est et du nord y favoriseraient l’attaque, y paralyseraient la défense, qu’en un mot une station difficile à gagner, difficile à quitter, où la retraite était incertaine et la faculté d’entreprendre compromise, manquait des premières qualités d’un bon établissement militaire; mais en condamnant la position de La Hougue, il désigna comme admirablement pourvue de tous les avantages qui s’y faisaient regretter celle de Cherbourg. Il réduisit donc les travaux de La Hougue à ce que comportaient la nature des services qu’il était permis d’en attendre et la protection due à la côte de Normandie, dont cette plage était, ainsi que l’avaient prouvé les descentes de 1346 et de 1562, le point le plus vulnérable. C’est en se conformant à cette sagesse de vues que le génie a enveloppé l’île et l’inutile lazaret de Tatihou d’une enceinte bastionnée, établi sur la roche de La Hougue une forte place d’armes, et garni l’atterrage de batteries rasantes, dont la plus remarquable est celle qui forme une ceinture à l’église de Saint-Vaast. La rade et l’atterrage, battus par des feux croisés, sont intenables pour une escadre de débarquement, et les navires qui s’y réfugient sont à l’abri de toute insulte. C’était là le seul but que Vauban se proposât d’atteindre; mais les avantages des travaux qu’il a conçus vont maintenant au-delà de ce qu’il avait calculé. Les caprices des vents, dont il avait eu tant de compte à tenir, sont aujourd’hui vaincus par la puissance de la vapeur : l’atterrage de La Hougue est par là relevé d’une partie de ses infirmités naturelles, et il devient pour le port de Cherbourg une annexe dont des éventualités de guerre, grâce à Dieu plus éloignées aujourd’hui que jamais, révéleraient bientôt le prix.


Le port de Saint-Vaast et de La Hougue est le seul de la côte que nous venons de parcourir qui soit à peu près ce qu’il peut être, et, malgré de remarquables travaux, l’insuffisance de l’établissement