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Et toi, que viens-tu faire en ces mornes ténèbres.
Image encor chérie et qu’en vain je veux fuir ?
Je ne dois pas te voir à ces clartés funèbres ;
J’aime mieux t’oublier… Il faudrait te haïr !


LES GNÔMES.

Les rêves sont rentrés dans leurs lointains royaumes,
Et ton foyer désert s’est peuplé de fantômes.
L’hiver évoque en toi les spectres du passé.
Nous voici, les dragons, les vampires, les gnomes !
En vain ta porte est close ; à ton chevet glacé
L’essaim des noirs esprits dans l’ombre est amassé.

Vois du plafond qui s’ouvre une forme descendre ;
Vois ces nains s’accroupir, à tes pieds, sur la cendre ;
Vois ces doigts tout sanglans écarter tes rideaux.
Un râle, sous ton lit, vient de se faire entendre ;
Le livre que tu tiens se déchire en lambeaux,
Et le vent d’un soupir a soufflé tes flambeaux.

Les reconnais-tu bien sous leurs formes nouvelles,
Ces folles visions que tu trouvas si belles ?
Ta main blanche a serré ces doigts courts et velus :
Les voilà, tes amours, sans que tu les rappelles !
Tu fais pour nous bannir des efforts superflus ;
Le remords nous conduit, nous ne te quittons plus.


ADAH.

Ô frère de la mort, ô sommeil que j’envie,
Dans ma suprême attente, hélas ! tu me trompais I
Je souffre, en ton linceul, les horreurs de la vie ;
Tu n’as pu me donner ni l’oubli, ni la paix.

Je ne demandais pas à ta douce magie
De verser à mon cœur des songes superflus ;
J’invoquais, pour tout bien, la froide léthargie.
Heureux qui dort sans rêve et ne s’éveille plus !

Je bornais là mes vœux. Je ne dois plus entendre
Ce vain nom du bonheur sans objet, sans échos ;
Si Dieu même, ici-bas, s’offrait à me le rendre,
Je le refuserais ! J’ai besoin du repos.