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des tableaux animés, c’était une épreuve délicate, mais qui a fourni à M. d’Haussonville l’occasion de prouver une fois de plus ce que l’étude du passé gagne parfois à s’appuyer sur une connaissance étendue de l’histoire contemporaine.

Nous ne voulons ici que donner un rapide aperçu du livre de M. d’Haussonville. Il nous parait curieux de montrer comment le nouvel historien de la Lorraine a pu agrandir un sujet où l’intérêt local semble devoir tenir tant de place. « Nous avons tâché, dit-il, sans négliger absolument les événemens généraux de l’histoire de Lorraine, de mettre surtout en relief les incidens de la lutte qui a précédé l’incorporation de la Lorraine à la France, lutte soutenue avec persévérance contre les rois de France par une race de princes illustres qui n’ont quitté leurs états héréditaires que pour monter sur le trône de l’Autriche. Nous nous sommes principalement appliqué à préciser la série des faits que la prudence des auteurs contemporains a quelquefois préféré taire, ou que leurs passions ont trop souvent dénaturés. » Tel est le but que s’est proposé l’auteur. Comment l’a-t-il atteint ? C’est surtout en le citant lui-même que nous voudrions l’indiquer.

« La Lorraine, cédée en 1737 au roi Stanislas, a été définitivement réunie à la France en 1766; mais cette réunion, accomplie par Louis XV, avait été préparée par ses prédécesseurs. Vainqueur de la ligue, Henri IV s’empressa de donner sa sœur à l’héritier du duc Charles III. Cette alliance rompue par la mort de Catherine, il prit soin d’arranger le mariage du dauphin, encore enfant, avec la fille ainée du duc Henri. Louis XIIIe devenu maître de son royaume par la défaite des grands et par la prise de La Rochelle, revendiqua le Barrois faute d’hommage, envahit deux fois la Lorraine, et démantela toutes celles de ces places qu’il ne put retenir. Louis XIV, poussant plus loin la même politique, arracha au duc Charles IV la cession de son duché, s’en empara bientôt après, et, malgré les efforts de l’Europe coalisée, le garda pendant la plus longue partie de son règne. Ainsi, tour à tour occupée de vive force, ou momentanément rendue à ses souverains légitimes, la Lorraine n’a jamais cessé d’être, soit le théâtre des entreprises violentes des rois de France, soit l’objet de leurs incessantes négociations, et l’on peut dire que la paix elle-même ne lui a pas été moins funeste que la guerre. »

Tel est le début du livre, dont le premier volume nous mène jusqu’à la prise de possession de la Lorraine par Louis XIII ; mais avant d’entrer dans la partie essentielle de son sujet, l’auteur croit nécessaire de consacrer quelles pages au théâtre de la lutte qu’il va raconter. Il résume à grands traits l’histoire des ducs de Lorraine, depuis leurs premiers démêlés avec les ducs de Bourgogne jusqu’aux troubles de la ligue, qui préparent un conflit suprême. Avec le règne du duc Charles-III, nous voyons commencer cette suite de débats et de guerres sur lesquels M. d’Haussonville a consulté tour à tour le témoignage des historiens français et des chroniqueurs locaux[1]. Charles III

  1. La collection des dépêches des ministres français et de leurs agens en Lorraine, formant quatre-vingts volumes in-folio aux archives des affaires étrangères, a aussi fourni à M. d’Haussonville de très curieux documens.