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que ladite inquisition soit maintenue ou reçue sous quelque couleur que ce puisse être. Nous promettons et jurons d’entretenir cette alliance saintement et inviolablement à toujours, tant que nous vivrons ; nous en prenons Dieu à témoin, sur le salut de nos âmes ; nous nous promettons réciproquement toute assistance de corps et de biens, comme frères et fidèles compagnons, tenant la main l’un à l’autre. Et si quelqu’un de nos confrères était recherché par ladite inquisition, ou bien encore comme ayant adhéré à notre confédération, nous promettons et jurons devant Dieu de l’assister, sans nous épargner sous aucun prétexte quelconque. Et pour annuler les obligations contractées par les présentes, il ne suffirait point que les poursuites intentées contre quelques-uns de nos confédérés fussent fondées sur un soi-disant crime de rébellion ; car nous déclarons qu’il ne s’agit point ici de rébellion, et que nous, ne sommes mus que par un saint zèle pour la gloire de Dieu et pour la majesté du roi, pour le repos public, pour la défense de nos biens, de nos vies, de nos femmes et de nos enfans, à quoi Dieu et nature nous obligent. »


La veille, la réunion de ces jeunes gens n’était qu’une conjuration ; depuis ce grand acte, connu sous le nom de compromis des nobles, la révolution éclate. Marnix avait donné une expression immortelle à ce qui se tramait au fond des cœurs. Quand les mouvemens tumultueux des masses trouvent enfin pour s’exprimer une parole consacrée, cette parole réagit avec une force toute puissante sur les événemens ; chacun voit clair au fond de sa passion. Avec l’entraînement qui saisit une société impatiente de s’affranchir, l’œuvre de Marnix est signée presque aussitôt des deux mille noms principaux de Belgique et de Hollande. L’inspiration d’un seul devient l’œuvre, l’engagement de tous : véritable serment du jeu de paume du XVIe siècle ! Un grand nombre se repentiront de l’avoir prêté et bientôt le renieront. Il existera en dépit d’eux ; il dominera et réglera l’immense débat qui va s’ouvrir. Le terrain est marqué, le champ-clos est tracé pour le duel qui s’engage entre la monarchie d’Espagne et les Pays-Bas. Impossible de reculer au-delà des limites qu’une main ferme vient de poser. La lutte peut commencer. Quand des sermens semblables sont prononcés, les individus ont beau y être infidèles ; les sociétés reprennent ces sermens pour leur compte et se chargent de les exécuter.

Un grave événement mit dès l’origine l’esprit de Marnix à une rude épreuve. Les églises catholiques avaient été ravagées dans une grande partie des Pays-Bas par les briseurs d’images. Ce fut pour beaucoup d’hommes une occasion de renier sur-le-champ une révolution qui déjà les inquiétait. Les hommes qui ont préparé une révolution par leurs idées sont presque toujours les premiers à la méconnaître dès qu’elle se réalise. Comme les choses n’arrivent jamais ainsi qu’ils l’ont imaginé, ils sont bientôt blessés de la marche des affaires comme