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d’une désobéissance à leur génie, et dès lors ils flagellent les événemens comme Xerxès flagellait l’océan.

Marnix eût préféré que les images et les objets du culte eussent été enlevés des églises paisiblement et sans troubles, ainsi que cela était arrivé dans la réforme de Zwingle : c’est ce qu’il avait conseillé ; mais il ne jugea pas que cette infraction à ses avis fût une raison d’abandonner la partie. Il montra au contraire, par des écrits déjà populaires, que la colère contre des objets inanimés marquait[1] l’empressement de se racheter des anciennes superstitions. Il lava la révolution du reproche de vandalisme, et rendit la confiance aux incertains. Dès le premier moment, tout part de lui dans la religion et dans la politique ; c’est lui qui compose l’acte d’union de l’église réformée d’Anvers, première base de l’église hollandaise, et la requête que Bréderode présente à Marguerite, défi suprême de la révolution armée.


II.

Marnix avait compris que le compromis, c’était la guerre. Dans toutes les réunions des confédérés, il soutient que la temporisation ne peut profiter qu’à l’Espagne, qu’il faut surprendre l’ennemi avant qu’il ait réuni ses forces, que dans les circonstances présentes l’extrême audace était l’extrême sagesse. Telles étaient aussi les dispositions d’esprit de son frère Jean de Marnix, de Louis de Nassau, de Bréderode. Par malheur il leur fut impossible d’entraîner dans cette conviction le prince d’Orange. En vain Ils s’adressaient ironiquement à lui dans leurs lettres faites exprès pour tomber sous ses yeux. « Prenons la plume et eux l’épée, disaient-ils ; nous les paroles, eux le fait ; nous pleurerons, eux riront. Le Seigneur soit loué de tout ! » L’heure du Taciturne n’était pas encore venue. Élu chef militaire du parti impatient de recourir aux armes[2], Bréderode choisit Philippe de Marnix pour organisateur, ou, comme par le Strada, pour questeur des gueux[3]. Le plan de campagne auquel on s’arrêta, et qui appartient aux deux Marnix, était assurément conçu avec une vive intelligence de la situation. C’est le même qui, repris quelques années plus tard, réussit malgré des chances beaucoup plus faibles. Il s’agissait, en prenant son point d’appui sur Anvers[4], de faire un

  1. Archives de la maison d’Orange-Nassau, par M. Groën van Prinsterer, t. II, p. 221, t. III, p. 252. — Te Water, Verbond, t. Ier, p. 382.
  2. « La maladie de notre corps public est plus grande qu’on la puisse guérir avec ces doux breuvages. » Archives de la maison d’Orange-Nassau, publiées par M. Groën van Prinsterer.
  3. Questor œrarius gheusiorum. — Strada, De bello Belgico, t, Ier, p. 291.
  4. Strada, De Bello Belgico, t. Ier, p. 300. — Bor, Oorsprongk (Origines, commencemens et suites des guerres des Pays-Bas), t. Ier, f° 156, 1679. — Vigli. Epistolœ politicœ et historicœ, 1669, p. 395.