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RIKKE-TIKKE-TAK





I.

Il n’y a pas longtemps que j’ai visité la ferme où commence l’histoire de Rikke-tikke-tak ; elle existe encore entre Desschel et Milgem, à une douzaine de milles à l’ouest d’Anvers ; elle est habitée par des laboureurs qui se souviennent à peine du nom de Jean Daelmans.

Quelque pittoresque que soit cette habitation, elle n’offre cependant rien de particulier : la joubarbe et la mousse jettent une teinte verdoyante sur ses toits brunis ; ses murs dissimulent leurs crevasses sous le feuillage qui les embrasse ; des porcs s’ébattent sur le fumier au milieu des poules et des pigeons, et plus loin, dans l’étable, on voit trois vaches au poil luisant de propreté mâcher avec délices un trèfle succulent.

Mais ce qu’a de plus beau la ferme solitaire, c’est la bruyère immense qui s’étend devant sa façade bien au-delà de la portée du regard ; c’est le ruisseau qui passe derrière son jardin fleuri en courant vers les humides prairies ; c’est la verte bordure d’aunes et de saules qui accompagnent dans sa course l’artère argentée de la bruyère ; ajoutez-y l’azur sans bornes du ciel, le chant mystérieux du grillon et l’amoureux babil des oiseaux qui ont choisi la ferme écartée pour patrie et pour asile.


C’était un matin de l’année 1807 ; le disque du soleil ne s’était pas encore levé sur la plaine aride, et à peine entendait-on çà et là un oiseau préluder au magnifique hymne matinal de la nature. Dans la principale pièce de la ferme régnait aussi le profond silence de la nuit ; seulement un maigre feu brûlait en pétillant dans le large foyer, l’horloge poursuivait son incessant tictac, et, dans un coin à demi