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sujets la discussion parlementaire ne devînt une action puissante qui s’étendait au mouvement général des esprits, et renouvelait l’essor des lettres dans les genres les plus sérieux, le droit public, l’histoire, l’enseignement moral.

Ce ne sont pas en effet les écrivains polémiques seulement, cette milice extérieure de la loi dans un état constitutionnel, qu’il faut placer sous l’inspiration de la tribune, et compter comme une force auxiliaire souvent utile à la suite des corps réguliers. L’affinité si prompte du droit public d’un pays avec sa littérature doit conduire tout critique éclairé à rechercher parmi nous le progrès des études historiques dans le progrès même et le travail prolongé de nos institutions. Un livre entier de l’Histoire de la Littérature française sous la restauration est consacré à cet examen, et les écrits les plus lus, les noms les plus accrédités de notre temps y passent naturellement sous les yeux : Mme de Staël pour ses Considérations sur l’histoire de la révolution, publiées en 1817; M. Guizot pour ses mémorables Leçons d’histoire moderne; M. de Barante pour ses Chroniques de Bourgogne, si neuves par le naturel de l’expression et si attachantes par l’habile distribution du récit; M. Augustin Thierry pour son Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, éloquente à la manière antique, avec des matériaux barbares; M. Philippe de Ségur pour ses peintures ineffaçables de la Campagne de Russie, mélange du grand récit historique et des mémoires, témoignage immortel où la surcharge même des couleurs et l’excès mélancolique de l’imagination fait partie de la réalité; M. Thiers et M. Mignet pour leurs histoires diversement originales, l’une claire et saisissante, assez complète, quoique partiale, singulièrement entraînante par l’ordre rapide et naturel du récit, la vive expression des détails, la mise en jeu des caractères, sans fausse imagination et sans paradoxe; l’autre analytique avec une sagacité puissante, premier essai d’un esprit destiné à une incontestable prééminence dans presque toutes les formes de l’histoire, dans l’histoire philosophique et dans l’histoire pittoresque, dans le récit approfondi des transactions les plus complexes et dans la biographie animée.

Malgré de fortes préventions contre ce qu’on appelle l’esprit révolutionnaire, en étendant beaucoup parfois la portée de cette épithète et en l’appliquant volontiers à nos histoires récentes. M, Nettement énonce en général des jugemens précis et modérés sur les grands talens de nos diverses écoles historiques. Sa préférence est pour M. Guizot, dont il admire le savoir étendu, la méthode, le vaste coup d’œil et l’impartialité supérieure; mais, en rendant justice à ces rares qualités, il n’est pas moins équitable pour des esprits moins concilians ou moins élevés. Il reconnaît avec raison à notre siècle, et