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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1854.

S’il pouvait rester encore quelque doute sur le caractère sérieux et décisif de la lutte qui s’ouvre aujourd’hui en Europe, il suffirait, pour mettre de côté toute incertitude, d’observer quelques-unes des conditions dans lesquelles cette lutte s’engage. La lenteur même avec laquelle les évènemens se sont développés, les scissions et les rapprochemens dont ils ont été l’occasion, la peine visible qu’ont eue les puissances allemandes à se détacher d’une vieille alliance nouée sous d’autres auspices, l’immensité des préparatifs militaires et jusqu’à l’attitude de circonspection silencieuse que conservent encore les forces déjà en présence, — tout n’indique-t-il pas la menaçante gravite de la crise actuelle ? Cette crise, on l’a vue naître et grandir, on l’a suivie dans son travail, on a pu en apprécier les élémens, d’autant plus redoutables peut-être qu’ils sont plus mystérieux. Une question qui met plus d’une année à prendre toutes ses proportions, qui fait dès ce moment marcher les armées de trois grands empires après avoir été inutilement débattue dans les conseils de l’Europe, cette question n’est point certes d’une portée secondaire, et il faut ajouter qu’elle ne saurait être tranchée en un jour par un coup de main heureux. Aussi n’est-il point surprenant que les faits ne viennent pas répondre aussi vite qu’on aurait pu le croire à l’impatience publique, et comme il faut que cette impatience trouve une satisfaction, elle la cherche dans tous les bruits que les circonstances semblent rendre vraisemblables. Un jour c’est Odessa qui est bombardée et réduite en cendres par les flottes combinées ; un autre jour c’est Sillstria, sur le Danube, qui est assiégée et brûIée par l’armée russe, et en fln de compte le dernier de ces événemens semble seul se confirmer. Ce qui explique sans doute le premier bruit du bombardement d’Odessa, c’est qu’un vaisseau parlementaire qui s’était présenté pour recevoir les consuls anglais et français avait eu à essuyer le feu de quelques batteries russes. C’est alors que les escadres se sont dirigées sur ce point. Sur terre, l’armée russe n’a point tenté d’opération sérieuse depuis le passage du Danube et l’occu-