Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/657

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est remplie de ces restrictions, de ces témoignages de défiance. Il paraît que lord Castlereagh n’était pas bien informé des intentions de l’Autriche, des bases sur lesquelles elle comptait établir sa médiation, et qu’il comptait peu sur l’énergie de M. de Metternich. Il ne croyait pas d’ailleurs que les choses fussent mûres pour une pacification véritable. Indiquant, dans une lettre du 7 août, les cessions, les garanties que, suivant lui, il était absolument nécessaire ; d’imposer à Napoléon pour que la paix eût quelque solidité, il résumait ainsi sa pensée :


« J’ai grand’peine à me persuader que les conférences de Prague puissent, dans les circonstances actuelles, aboutir à un résultat pacifique, si les alliés restent fidèles à leur cause et à leurs engagemens réciproques. Bonaparte a reçu une leçon sévère ; mais tant qu’il lui restera des forces telles que celles qu’il a sous les armes, il n’accédera à aucun accommodement que même le comte, de Metternich puisse avoir le front de souscrire comme pourvoyant sur des principes solides au repos de l’Europe… Les puissances commettraient une erreur bien fatale pour elles-mêmes, si elles pensaient un seul moment à chercher leur sûreté dans ce qu’on a appelé une paix continentale. Nous avons fait des merveilles dans la Péninsule, mais Dieu nous garde de l’épreuve d’un combat singulier de ce côté ! Nous pouvons succomber sous les forces non divisées de la France, et si nous succombions, l’Allemagne et même la Russie auraient bientôt repris leurs fers… Nous tenons en ce moment le taureau entouré, serré de près entre nous tous. Si, par la faute de l’un de nous, il venait à s’échapper avant que nous l’eussions mis hors d’état de nuire, nous pourrions le payer cher, et nous le mériterions bien. »


Les inquiétudes que lord Castlereagh exprimait avec une vivacité si caractéristique furent bientôt dissipées. C’était le 7 août qu’il écrivait en ces termes à lord Cathcart ; le 10, le congrès de Prague, ouvert six semaines auparavant, était déjà dissous. Il n’y avait pas eu une seule conférence ; tout le temps s’était passé en débats préliminaires sur des questions de forme. Vainement le duc de Vicence, que Napoléon avait choisi pour un de ses plénipotentiaires, à cause de la confiance que sa droiture et la notoriété de ses sentimens pacifiques inspiraient aux cabinets du continent, s’était-il efforcé, avec une courageuse franchise, d’éclairer son maître sur les dangers auxquels il s’exposait en laissant s’écouler en contestations frivoles le terme assigné d’avance à la durée du congrès ; soit que Napoléon se fit encore illusion sur les intentions de l’Autriche, soit, ce qui est plus vraisemblable, qu’il obéit aux considérations que j’indiquais tout à l’heure, il resta sourd à ces avertissemens.

Le jour même de la clôture du congrès, l’Autriche déclara la guerre à la France et joignit ses armes à celles de la grande alliance. À partir de ce moment, la coalition, unie par des traités multipliés dont les