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à la France la Belgique tout entière. Le cabinet de Londres, redoutant l’effet que pourrait produire la publication de la note de M. de Saint-Aignan, crut devoir, pour couvrir sa responsabilité, faire remettre à ses alliés une sorte de protestation. Il ne lui fut pas difficile de les ramener à son point de vue. Comme ce n’était pas une modération véritable, mais un sentiment de prudence peut-être exagéré qui les avait portés à se montrer si concilians, ils revinrent à d’autres pensées dès qu’ils purent s’apercevoir que leurs succès étaient plus considérables encore et l’ennemi plus affaibli qu’ils ne l’avaient cru d’abord. La Hollande venait d’expulser les Français et de se donner un gouvernement indépendant sous l’autorité du prince d’Orange, héritier de ses anciens stathouders. À l’autre extrémité de la France, lord Wellington, après avoir consommé l’affranchissement de la Péninsule, pénétrait dans nos départemens du midi, ceux de tous où l’ancienne royauté avait conservé le plus de partisans et où l’on témoignait le plus de lassitude du gouvernement impérial. On savait que les restes de l’armée ramenée d’Allemagne par Napoléon, ravagés par le typhus, encombraient les hôpitaux de Mayence. Les nouvelles qu’on recevait de l’intérieur de la France donnaient lieu aux alliés d’espérer qu’ils n’y rencontreraient pas l’énergique résistance devant laquelle avait échoué en 1792 une coalition bien moins formidable d’ailleurs, et cette espérance dut singulièrement s’accroître quand on apprit que Napoléon s’était cru obligé de dissoudre le corps législatif, qui lui demandait la paix en termes impérieux. En présence d’un tel état de choses, les coalisés regrettèrent les offres qu’ils avaient faites au gouvernement français, et lorsque Napoléon, qui avait laissé passer quelques semaines sans les accepter formellement, fit témoigner à M. de Metternich le désir de la prompte ouverture des négociations, il ne reçut que des réponses évasives. On ne refusait pas de traiter, mais on se renfermait dans des termes généraux ; on alléguait, pour gagner du temps, la nécessité de s’entendre avec le cabinet de Londres et la difficulté qu’apportaient à une prompte résolution les mouvemens continuels des souverains et de leurs ministres. Deux mois devaient s’écouler ainsi, et nous verrons où s’ouvrit le congrès qui avait dû se tenir à Mannheim.

Dans les derniers jours de décembre 1813 et au commencement de janvier 1814, les armées de la coalition avaient enfin passé le Rhin sans obstacle. La Suisse, dont il leur fallait traverser le territoire, avait d’abord proclamé l’intention de faire respecter sa neutralité, et l’empereur de Russie, cédant à des influences que j’expliquerai bientôt, ne voulait pas qu’on y portât atteinte ; mais M. de Metternich, profitant avec une rare habileté des dissensions intérieures de la confédération helvétique, où le parti de l’ancien régime espérait voir sortir