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de plus naturel ; mais il y avait loin de cette joie à la volonté de joindre leurs efforts à ceux de la coalition pour l’aider à abattre le gouvernement impérial. Nulle part, malgré les espérances dont se berçaient quelques esprits trop confians, on n’apercevait le moindre symptôme d’insurrection, ni même l’apparence d’un mouvement populaire en faveur des Bourbons. Sans doute, si un tel mouvement venait à se produire spontanément, on pourrait en profiter ; mais il ne serait ni prudent, ni loyal de le provoquer par des excitations et des promesses : ce serait assumer une terrible responsabilité à l’égard des individus qu’on pousserait ainsi à se compromettre et se créer éventuellement de grands embarras, puisque les alliés n’étaient pas encore décidés à ne pas traiter avec Napoléon, et puisqu’il était même question de l’ouverture prochaine d’un congrès. — Tels étaient les argumens que lord Castlereagh opposait aux impatiens. Lorsqu’il apprit, que quelques-uns des membres de la famille des Bourbons sollicitaient l’autorisation de rentrer en France à la suite des armées coalisées pour essayer de rallier leurs partisans, il se montra très contraire à ce projet, dont il n’attendait pas de grands résultats. Puisqu’on n’était pas encore déterminé à une restauration, la probité, l’humanité exigeraient, disait-il avec quelque raison, qu’au moment où ces princes entreraient sur le territoire français, les puissances, pour prémunir les peuples contre les fausses inductions qu’on pourrait tirer de leur présence, fissent déclarer hautement qu’elles n’étaient nullement engagées à soutenir la cause royaliste, et une telle déclaration était de nature à affaiblir cette cause plus que ne pourrait la fortifier la présence de quelques princes dénués d’armes et d’argent. Il demandait s’il était dans l’intérêt des Bourbons de se montrer pour la première fois à la nation française dans le camp d’un des souverains alliés, et surtout au milieu de troupes anglaises. — Ces dernières objections ne prévalurent pas. Monsieur, frère du prétendant, arriva bientôt en Lorraine, et son fils aîné, le duc d’Angoulème, fut reçu au quartier-général de lord Wellington ; mais lord Wellington eut soin de ne pas laisser ignorer autour de lui que les puissances n’avaient pas renoncé à traiter avec Napoléon, et à l’autre extrémité de la France, l’empereur Alexandre, quelle que fût la passion qui l’animait contre son ancien ami, tenait loyalement le même langage aux agens royalistes.

Ces ménagemens, ces hésitations, plaisaient peu au parti tory, qui gouvernait l’Angleterre, et qui, pour le moment, représentait certainement les sentimens du pays. Il est curieux de voir, dans la correspondance de lord Castlereagh, la peine qu’il se donnait, avec assez peu de succès, pour faire comprendre et apprécier les motifs de sa conduite. Ses subordonnés eux-mêmes ne lui dissimulaient guère leur désapprobation. L’ambassadeur britannique en Hollande, lord