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Enfin ce traité, destiné à assurer l’équilibre de l’Europe, était conclu pour vingt ans, et on pourrait le renouveler avant l’expiration de ce terme. Des articles secrets indiquaient en termes généraux les résultats que la coalition se proposait : la reconstitution de l’Allemagne en états indépendans unis parmi lien fédératif, l’indépendance de la confédération suisse, celle de l’Italie partagée en états distincts, le rétablissement de Ferdinand VII sur le trône d’Espagne et la reconstitution de la Hollande avec un agrandissement de territoire sous la souveraineté de la maison d’Orange.

Par l’effet de ce traité, l’alliance, devenue permanente, prit un caractère beaucoup plus décidément hostile à Napoléon. On voulait en finir. Déjà les plénipotentiaires de Châtillon avaient reçu des instructions dont lord Castlereagh expliquait ainsi qu’il suit le caractère à lord Liverpool : « Vous verrez… que les allies, sans vouloir se donner l’apparence de chercher une rupture, sont décidés à donner à la négociation une prompte issue, et que, quelles que puissent être les chances de la guerre en France ou hors de France, ils sont déterminés à soutenir avec fermeté et persévérance la cause de l’Europe contre Napoléon jusqu’à ce qu’il ait acquiescé en substance aux termes qu’ils lui ont proposés, cette détermination étant la seule qui puisse faire espérer une paix réelle. » N’oublions pas, pour bien comprendre la pensée de lord Castlereagh, que la conviction des puissances était que Napoléon refuserait ces termes si rigoureux.

Tout changea d’aspect à Châtillon. Autant les alliés avaient d’abord paru éviter d’accélérer une négociation dont plusieurs d’entre eux craignaient de voir sortir la paix, autant ils montrèrent d’empressement à la hâter, sans doute parce qu’ils comptaient sur une rupture. Le 28 février, on demanda au duc de Vicence de faire savoir quand on recevrait la réponse du gouvernement français au projet de traité présenté le 17, et ce ne fut pas sans peine qu’on lui accorda un délai de dix jours, en lui déclarant qu’on était prêt à discuter les modifications que la France pourrait proposer, mais qu’on repousserait d’une manière absolue celles qui changeraient tant soit peu les bases essentielles du projet.

La position du duc de Vicence était terrible. De même qu’avant la campagne de Russie, il s’était épuisé en efforts inutiles pour détourner Napoléon d’une entreprise dont il prévoyait les fatales conséquences, de même qu’à Prague il avait vainement essayé de lui démontrer qu’en rejetant, ou en éludant par d’imprudentes temporisations les offres de l’Autriche, on la pousserait dans les rangs de la coalition, il ne cessait maintenant de représenter que des temporisations nouvelles auraient pour résultat la prompte dissolution du congrès, que tel était le vœu secret de plusieurs des alliés, qu’ils n’aspiraient qu’à la ruine complète de Napoléon ; que si l’on n’y prenait