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était-il dit, ne pouvait résulter que d’un prompt acquiescement de la France aux demandes des alliés. Un peu plus tard, il ne serait plus temps de traiter même à ces conditions ; la coalition était fermement décidée à ne pas se dissoudre avant d’avoir atteint son but, et l’empereur François, quels que fussent ses sentimens personnels, en ferait le douloureux sacrifice plutôt que de se séparer de ses confédérés. M. de Metternich, en un mot, disait au duc de Vicence ce que le duc de Vicence ne cessait d’écrire à Napoléon sans parvenir à le convaincre. Il serait injuste de ne pas reconnaître que le ministre autrichien se montrait sincère en cette occasion ; s’il eût voulu réellement préparer la rupture des négociations, il eût tenu un autre langage, et il est difficile de croire qu’il ne désirât pas alors un arrangement.

Ces dispositions eussent-elles prévalu contre les passions de la plupart des coalisés, dans le cas où Napoléon se serait décidé à souscrire à ce qu’on exigeait de lui ? Il est permis d’en douter, au moins pour l’époque qui a suivi la conclusion du traité de Chaumont ; il est permis de croire qu’on eût suscité des difficultés nouvelles. Ce qui est certain, c’est que les plénipotentiaires n’avaient pas les pouvoirs nécessaires pour en finir. Sir Charles Stewart, qui n’était certes pas plus enclin qu’un autre à traiter avec Napoléon, mais qui se sentait mal à l’aise et peut-être humilié du peu de latitude d’action qu’on lui accordait, écrivit à lord Castlereagh pour se plaindre de la nécessité où il se trouvait, aussi bien que ses collègues, d’en référer sur toutes choses à son gouvernement et pour lui demander ce qu’il devrait faire dans le cas peu probable d’ailleurs où le plénipotentiaire français offrirait de signer le traité proposé. La réponse de lord Castlereagh est curieuse et peint la situation : « Dans l’hypothèse presque inconcevable, dit-il, d’une acceptation pure et simple, sans aucune modification, peut-être n’y aurait-il pas d’objection à vous autoriser à la recevoir, en réservant la rédaction du projet dans la forme convenable. »

Cependant le terme de dix jours assigné au duc de Vicence s’était écoulé. Il dut enfin s’expliquer. À défaut d’un consentement que Napoléon, malgré ses instances, ne l’avait pas mis en mesure de présenter, il lut, le 10 mars, à la conférence, des observations rédigées avec beaucoup de mesure et d’habileté, mais qui n’étaient nullement en rapport avec ce qu’on lui avait demandé. Le sens général en était que, toutes les autres puissances s’étant considérablement agrandies depuis vingt années, les conditions proposées à Francfort suffiraient à peine pour placer la France dans une situation qui reconstituât l’équilibre existant en Europe avant 1792, et dont le rétablissement était le but avoué de la coalition. Les plénipotentiaires alliés, après avoir entendu ces observations, dirent