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enlevé au pape en 1791, une petite partie de la Savoie, quelques cantons de la Belgique et de la rive gauche du Rhin enclavés ou à lieu près dans nos anciennes frontières, c’est à cela que se réduisirent les concessions des cours alliées, et à Châtillon, dans les courts instans où on avait semblé vouloir traiter sérieusement, on était d’accord de les faire, au moins pour la plupart, à Napoléon. Comme lord Castlereagh le faisait remarquée a lord Liverpool en lui rendant compte de la négociation, ces agrandissemens de l’ancienne France n’étaient pas de nature à alarmer beaucoup le reste de l’Europe ; on les avait calculés de manière à ne pas accroître sa force militaire, et tous ces territoires réunis ne contenaient pas une population de plus de six cent mille âmes. Il eût pu ajouter que ce n’était pas, à beaucoup près, l’équivalent des pertes qui nous étaient infligées au-delà des mers. On reconnaît facilement d’ailleurs, en lisant la correspondance de lord Castlereagh pendant la négociation, qu’il avait presque à s’excuser auprès de son gouvernement de ne pas nous imposer des sacrifices plus considérables. On trouvait, par exemple, à Londres que notre position dans les Antilles restait encore trop forte. Lord Castlereagh répondait qu’il était d’une bonne politique de ne pas traiter trop rigoureusement la dynastie qu’on venait de rétablir. Il insistait sur la convenance de n’insérer dans le traité aucune clause empreinte d’un caractère particulier de défiance hostile, ou qui pût humilier la France. En dernier résultat, le gouvernement britannique reçut pour sa part, dans les dépouilles des vaincus, les îles de France, de Sainte-Lucie et de Tabago, appartenant jadis à la France, celle d’Héligoland cédée par le Danemark, l’établissement hollandais du cap de Bonne-Espérance, Malte et les Iles-Ioniennes[1]. C’étaient, comme on voit, des positions importantes acquises dans toutes les mers.

En ce qui concerne la France, le traité de Paris pouvait se résumer ainsi : outre les colonies cédées à l’Angleterre, elle abandonnait à la coalition quarante départemens, dont une bonne partie lui avait été cédée par des traités formels après des guerres régulières. Je ne fais entrer en ligne de compte ni le royaume d’Italie, ni le protectorat de la confédération du Rhin, qui constituaient pour Napoléon des titres distincts de souveraineté ou de suprématie, ni les états que gouvernaient divers membres de sa famille et où il régnait en réalité sous leur nom. Certes de telles conditions étaient rigoureuses, et si elles ne constituaient pas un véritable abus de la victoire, c’en était du moins l’usage le plus sévère. Cependant, en France même, l’opinion presque générale les considéra alors non-seulement comme

  1. La cession à l’Angleterre des Iles-Ioniennes fut postérieure au traité du Paris.