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SCENES


DE LA


VIE RELIGIEUSE EN ORIENT





DAMAS. — JÉRUSALEM. — LE DÉSERT. — LA CARAVANE DE LA MECQUE.[1]





I. — DAMAS.

Me voici à ma première station, à Khan-Murad, sur la route de Beyrouth à Damas, et si j’avais pu nourrir quelques illusions sur le comfort des hôtelleries du pays, je dois y renoncer aujourd’hui. Des murailles fendillées, crevassées, recouvertes pour la forme d’un toit qui craque de toutes parts, et divisées en chambres où se pressent avec une touchante fraternité des voyageurs, des bêtes de somme et des moutons, — voilà ce qui constitue le khan oriental dans toute sa perfection. Des galettes de farine, que l’estomac d’une autruche et celui d’un Arabe peuvent seuls digérer, des œufs, du café, des narguilhés, et au plus beau jour des fruits et des poules, voilà la carte des ressources culinaires que le caravansérail offre à l’appétit des voyageurs. Ma qualité d’Européen me valut les honneurs d’une chambre séparée, de laquelle on fit déguerpir, non sans peine, trois énormes mulets blancs qui y avaient élu domicile. Mon hôte lui-même, séduit par l’espérance d’un backchich, cette lampe merveilleuse d’Aladin que tout voyageur porte dans son gousset, voulut

  1. L’auteur de ces récits n’a choisi, dans les souvenirs d’un récent séjour en Orient, qu’un petit nombre d’incidens caractéristiques. Malgré la diversité des tableaux, une pensée commune domine cet ensemble d’épisodes : c’est le contraste de l’Orient musulman et de l’Orient chrétien, observés tour à tour à Damas, à Jérusalem et dans le désert, sur la route de La Mecque.