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golfe de Guinée, les Portugais se sont établis depuis trois siècles, et n’y sont pas devenus plus foncés que les habitans actuels de Portugal. Les Lapons et les Groënlandais, nés sous un ciel de glace, ont la peau bien plus brune que les Malais, qui habitent les parties les plus chaudes de l’univers. Si le climat avait l’influence qu’on lui suppose, les nègres et les négresses transportés en Europe finiraient par devenir blancs, leur postérité du moins montrerait une certaine tendance à s’identifier avec la notre. Vainement objectera-t-on que les habitans des campagnes ont le teint plus hâlé que les habitans des villes, et dira-t-on que cette couleur est due soit au soleil, soit à la civilisation. Leurs enfans naissent avec le teint aussi blanc que les citadins les plus délicats. Ce n’est pas du reste à la même cause qu’il faut rapporter la couleur du nègre et la carnation foncée du paysan. Il existe chez tous les hommes, dans la partie de la peau qui porte le nom de derme, une couche appelée la couche pigmentaire, qui est incolore chez les Européens, noire chez les Éthiopiens, cuivrée chez les Américains, etc. Le teint hâlé des paysans n’est pas dû à une coloration plus grande de cette couche, mais à une décomposition partielle de l’épiderme produite par la chaleur du soleil, de même qu’une feuille de papier jetée dans le feu noircit avant de brûler. La vérité de cette explication est prouvée par la facilité avec laquelle le teint des paysans s’éclaircit pendant leurs maladies. Tous les colons conservent les caractères qui les distinguaient avant leur migration. Les Hollandais établis depuis des siècles dans la partie australe de l’Afrique ne sont pas devenus des Hottentots et ne tendent pas à le devenir. Pourquoi, si l’hypothèse que nous examinons est fondée, l’Amérique, dans toute son étendue, avec ses climats si divers, ne produisait-elle que des races plus ou moins rouges ? Pourquoi, dans les régions hyperboréennes, dans celles où l’influence du soleil se fait le moins sentir, trouve-t-on des peuples aussi noirs que ceux qui naissent sous la ligne ?

Ainsi les climats, la nature des institutions, les circonstances extérieures de tout genre n’ont aucune action décisive et démontrée sur les caractères physiques des hommes. Quelques physiologistes, obligés d’en convenir, ont cherché ailleurs des causes aux variétés humaines, elles ont attribuées au hasard. Suivant eux, des monstruosités se sont produites, et se sont perpétuées par voie de génération. Ici encore les exemples tirés, soit des hommes, soit surtout des animaux, se présentent en foule. Prichard rapporte, qu’en 1791, dans la ferme de Seth-Wright, une brebis mit bas un jeune mâle qui se trouva par hasard avoir les jambes plus courtes et le corps plus long que le reste de sa race ; les jambes de devant étant en outre crochues, la conformation de cet animal le rendait incapable de franchir les clôtures. On réussit à propager cette particularité par des accouplemens, et au bout de quelques années, on obtint une nouvelle race de moutons que l’on nomme la race loutre. Toutes les fois que le père et la mère possèdent cette conformation, les agneaux en héritent. Il s’est ainsi formé une véritable race qui se reproduit toujours avec les mêmes caractères, caractères, il est vrai, dus au hasard, mais indépendant des climats et permanens. On a obtenu également des cochons très bas sur jambes et très faciles à engraisser, se distinguant même des pures ordinaires par la forme de leur pied, dont les deux doigts principaux