Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/805

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que tous les animaux qui ont des caractères communs très importuns appartiennent à la même espèce, lorsque leurs caractères différentiels peuvent être attribués aux climats et aux autres circonstances extérieures. Cette définition n’est pas non plus assez pratique. Ainsi, nous le voyons, tantôt les définitions proposées pour l’espère ne sont pas assez générales, et laissent, comme la définition de Buffon et de M. Flourens, certaines espèces en dehors, tantôt elles conviennent à l’objet défini, mais alors elles sont trop vagues et ne peuvent servir à la classification. Pour être d’accord avec les faits, la définition de l’espèce doit exclure la variabilité illimitée, car il est bien évident qu’il y a des types toujours identiques et qui restent toujours les mêmes, quelles que soient les circonstances ; mais elle ne doit pas supposer la fixité absolue du type spécifique, puisque souvent deux espèces différentes peuvent se croiser. Ces deux ordres d’idées sont difficiles à faire entrer dans le cercle étroit d’une définition courte, claire et précise. On peut dire d’une manière générale qu’une espèce d’animaux ou de végétaux est l’ensemble des individus qui, ayant hérité d’une organisation semblable dans ses principaux détails, peuvent remonter à des êtres propagateurs semblables entre eux, et dont les différences d’organisation peuvent par conséquent s’expliquer par l’action prolongée des causes tant naturelles qu’artificielles.

Assurément cette définition n’est pas excellente : elle a un peu les défauts reprochés à celles de Cuvier et de Blumenbach ; mais jusqu’ici il n’y en a guère de meilleure. Est-il du reste absolument nécessaire de donner une définition des diverses classes de la zoologie ? Jusqu’ici, on ne l’a pu pour aucune d’elles, ni pour les genres, ni pour les ordres, ni pour les familles ; celle de l’espèce serait plus utile, mais malheureusement il n’en résulte pas qu’elle soit plus facile à trouver. D’autres caractères viennent d’ailleurs en aide aux naturalistes, et, étant donné un animal, il est assez facile de déterminer à quelle espèce il appartient. Parmi ces caractères, l’infécondité réciproque ou la stérilité des produits joue, un rôle important, j’en conviens, mais non infaillible. En outre, la nature, les formes de ce produit ne sont pas indifférentes. On a remarqué que les animaux engendrés par des parens d’espèce différente ressemblent à peu près également au père et à la mère. Ainsi le produit de l’âne et du cheval tient à la fois de ces deux animaux. Il en est de même du produit du bison et du bœuf, de celui du blanc et du nègre. Si au contraire les deux parens appartiennent à la même espèce, le produit ressemblera beaucoup plus à l’un qu’à l’autre. Une expérience que les unitaires ont longtemps citée en leur faveur va nous en offrir un exemple. M. Coladon, pharmacien de Genève, en accouplant des souris grises et des souris blanches, a obtenu des produits les uns gris, les autres blancs, ces deux variétés de souris étant de la même espèce. Le même fait se présente, à un degré moindre, pour les enfans provenant du mélange de peuples très voisins. Ainsi l’enfant d’un Anglais et d’une Française reproduira le type anglais ou le type français, mais tiendra rarement au même degré de ses deux parens. Ce principe n’est pas constant, mais il est généralement vrai. Cela tient, me dit-on, à ce que, dans le dernier cas, les différences entre les deux parens étant peu considérables, nous n’apercevons dans le produit que le trait le