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viennent d’eux-mêmes à ceux qui pensent à la dorure et à l’argenture électrique, arts immenses pour la valeur des matières employées, et dont l’initiative appartient à M. de Larive, de Genève.

Bien loin de croire qu’on blâmera l’étendue de ce tableau des merveilles de la science électrique, je craindrais plutôt qu’il ne rendit le lecteur indifférent pour le dernier des arts électriques que je vais mettre sous ses yeux, savoir la galvanoplastie. Ces arts, que l’on jette au peuple pour lui apprendre à respecter la philosophie, sont éminemment civilisateurs. Sans doute la poésie, la littérature, les arts de l’imagination ont beaucoup fait pour l’ennoblissement de la race humaine en élevant l’intelligence ; mais si l’on veut être juste, on reconnaîtra que les sciences, qui rendent l’homme dominateur de la nature, n’ont pas fait moins pour le bien-être moral que pour le bien-être physique. Les besoins d’abord, l’intelligence ensuite. Primo vivere, deinde philosophari. Par une heureuse réaction d’ailleurs, la philosophie expérimentale, en augmentant le bien-être matériel, permet un nouveau développement des facultés rationnelles. À ce point de vue, l’industrie puissante des peuples modernes est un énergique agent intellectuel. L’industrie, les arts et la métaphysique sont unis dans la société comme le corps et l’âme dans l’homme.

Mais, dira-t-on, est-il besoin de connaître les procédés des arts et de l’industrie pour jouir de leurs résultats ? La Bruyère a dit que dans les arts mécaniques on pouvait se dispenser de connaître les procédés fondamentaux, pourvu qu’on sût se servir des produits obtenus. — Nous ne sommes pas humiliés, dit-il, de ne pas connaître l’artifice par lequel un ouvrier souvent peu intelligent fabrique la montre qui nous donne si commodément l’heure à chaque instant du jour, précisément parce que nous savons que cet instrument, d’ailleurs admirable, est d’un manœuvre peu élevé dans l’échelle métaphysique. — Si le premier inventeur eût fait ce beau raisonnement, le genre humain, clair-semé sur la terre, en serait encore à manger des glands et à déterrer des racines crues en guerroyant contre les bêtes sauvages du plus bas étage et la famine, encore plus redoutable, au lieu de songer à faire avec l’électricité la galvanoplastie, qui date du milieu du présent siècle, et qui pour la Russie, l’Angleterre, la France et les États-Unis d’Amérique forme un des titres à la reconnaissance de l’humanité prise collectivement.

Nous avons dit que le courant électrique de la pile de Volta entraîne avec lui des matières qu’il dépose en venant se répandre à la surface d’un corps sur lequel il arrive et dans lequel il pénètre, en abandonnant les matières métalliques qu’il portait avec lui. M. Jacobi, de Saint-Pétersbourg, eut l’idée ou plutôt le trait de génie de faire entraîner à l’électricité des métaux, comme le cuivre, l’argent, l’or, contenus dans un bain chimique, et de les faire déposer à grande épaisseur sur une plaque sculptée ou gravée artistement pour en prendre une empreinte fidèle, un vrai moulage métallique. C’est ce qu’on faisait autrefois dans les procédés de la fonte des statues, des bas-reliefs, des cloches, des bombes, des boulets, des balles, et de tous les mille ustensiles en fonte de fer, en cuivre, en plomb, en zinc, qui font l’ornement et l’utilité de nos expositions industrielles, et que nous reverrons perfectionnés