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Aussi l’art de chanter, en se modifiant un peu, ne fit que changer de défauts, « car M. Gluck, dit un écrivain du temps, en rapportant en France un nouveau genre de musique, a dû changer la manière de chanter. Au lieu de l’exécution fade et languissante qu’on avait avant lui, il en a demandé une ferme et rapide, et on y a répondu par des saccades et des sons heurtés qu’on a fait passer jusque dans le récitatif. On a poussé des cris où il ne voulait que de la force, on a dénaturé le chant pour vouloir le rendre expressif. Nos chanteurs étaient en-deçà du vrai point, l’impulsion que M. Gluck leur a donnée, les a portés au-delà. C’est lorsqu’ils auront saisi le juste-milieu que les Français pourront se vanter d’avoir une méthode. » Cette méthode existe de nos jours : elle est le résultat de l’influence qu’a exercée le Théâtre-Italien depuis l’époque où il s’ouvrit à Paris, en 1789, jusqu’à la fin de la restauration. Le génie de Rossini, en faisant subir une nouvelle transformation à notre musique dramatique, força les chanteurs à faire des études de vocalisation auxquelles on ne les avait pas soumis jusqu’alors.

Il existe un grand nombre de méthodes de chant. Sans parler de celle du Conservatoire, qui a été publiée au commencement de ce siècle, il y a peu de virtuoses et de professeurs un peu célèbres.qui n’aient cru avoir quelque chose à dire de nouveau sur cet art délicat, qui échappe pour ainsi dire à l’analyse. Parmi les ouvrages de ce genre qui ont eu le plus de retentissement, il faut citer la méthode de M. Emmanuel Garcia, frère de Mme Malibran. Dans ce livre intéressant, mais trop systématique, M. Emmanuel Garcia a payé un large tribut à une des manies de notre époque, celle de vouloir tout expliquer et d’embarrasser l’étude des beaux-arts d’une science fastueuse et souvent inutile. M. Panofka n’a pas entièrement échappé à ce travers ; sa méthode se divise en deux parties : la première est consacrée à l’étude physiologique des organes de la voix, subdivisée en différens chapitres qui traitent du son, du timbre, des registres, en donnant de minutieuses indications pour caractériser le genre et l’étendue naturelle de chaque voix. Tout cela est accompagné de pièces anatomiques qui représentent les ressorts matériels qui concourent à la formation du son. La seconde partie traite de la respiration, de l’émission du son, de la manière d’égaliser les registres, et d’une foule d’exercices sur lesquels il est inutile d’insister. Vient ensuite un cahier de vocalisations appropriées à la nature de chaque voix, et l’ouvrage est complété par vingt-quatre vocalises pour les voix de soprano et mezzo soprano.

Il y a beaucoup de choses intéressantes dans la méthode de M. Panofka. Tout ce qu’il dit sur le timbre de la voix, sur l’enchaînement des différens registres, sur les limites naturelles qui les séparent, sur les notes caractéristiques et celles qui servent de transition, est d’un observateur judicieux. Ses vocalises sont écrites avec soin, et les différens exercices destinés à donner à l’organe la souplesse nécessaire atteignent le but que se proposait l’auteur. En somme, l’Art de chanter de M. Panofka est un ouvrage utile que le professeur consultera avec fruit, mais qui ne peut suffire aux élèves inexpérimentés, car, sans un maître qui dirige nos efforts, on n’apprendra jamais il canto che nell’ anima risuona.


P. SCUDO.


V. DE MARS.