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M. de Lebzeltern, envoyé d’Autriche à Londres de passage à Paris : « Dites au prince que le roi ne se prêtera jamais à aucune démarche collective envers l’empereur de Russie pour l’exhorter à faire la paix, ou pour intervenir d’une manière formelle dans ses affaires[1]. » Le comte Pozzo di Borgo recevait au même moment du roi Charles X l’assurance que « l’idée était établie à Vienne et à Londres que la Russie et la France agiraient de concert dans un cas extrême[2]. » Ainsi et si aveuglément délaissée, la politique autrichienne attirait sur elle tout le courroux de la Russie. On se ferait difficilement une idée de la violence de langage à laquelle les diplomates russes s’emportaient contre M. de Metternich. Le puissant et impétueux Pozzo di Borgo le foudroyait dans chacune de ses dépêches. « L’Autriche, écrivait-il, est selon moi l’auteur principal de la situation critique où se trouve maintenant la question qui nous occupe… Pendant quatre ans, le prince de Metternich paralysa et déjoua les plus nobles sentimens, sans égards ni à la délicatesse de la position de la Russie, ni à ses intérêts, abusant constamment de la confiance qui lui était accordée et ne faisant jamais une promesse que pour y manquer… Notre politique nous commande donc de nous montrer à l’Autriche sous un aspect terrible, et de la persuader, par nos préparatifs, que, si elle fait un mouvement contre nous, elle verra éclater sur sa tête un des plus grands orages qu’elle ait encore essuyés… Il faut que le prince de Metternich sache que, s’il veut nous avoir pour ennemis, il nous trouvera formidables, inexorables et décidés à verser sur l’Autriche toutes les calamités de la guerre qu’elle nous suscite, sans lui en épargner une seule[3]. »

Après une lutte opiniâtre de neuf années, M. de Metternich n’ayant pu faire sortir son opposition des bornes de l’importunité et la pousser jusqu’à l’hostilité armée, n’ayant réussi qu’à appeler sur sa tête le ressentiment d’un voisin si redoutable, finit par céder au plus fort et à la nécessité. M. de Ficquelmont fut envoyé a Saint-Pétersbourg en janvier 1829 pour faire la paix de la cour de Vienne avec le cabinet russe. L’empereur Nicolas et M. de Nesselrode accueillirent le retour de l’Autriche, mais ne lui épargnèrent point les récriminations. M. de Nesselrode s’exprimait ainsi dans une dépêche à M. de Tatistchef, qui était une réponse à la justification apportée à Pétersbourg par M. de Ficquelmont : « L’attitude que l’Autriche a cru devoir adopter depuis le commencement de la guerre, loin d’abréger,

  1. Dépêche très réservée du comte Pozzo di Borgo, 28 novembre 1828. Portfolio, t. Ier, n° 8 et 9, part V.
  2. Ibid., ibid., p. 8.
  3. Voir passim les dépêches de M. Pozzo di Borgo dans le Portfolio et dans les deux livraisons du recueil des Documens inédits, etc., publiés en 1853, Paris, chez Pagnerre.