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À la fin de janvier, on attendait avidement deux choses à Vienne : l’accueil qui aurait été fait à Pétersbourg à la déclaration des puissances maritimes sur l’entrée des flottes dans la Mer-Noire, la réponse du gouvernement russe au protocole de la conférence du 13 janvier. Ce fut en ce moment que l’on annonça la prochaine arrivée du comte Orlof, l’homme des solutions de la politique russe. La mission du comte Orlof fut interprétée d’abord généralement dans un sens pacifique. Quelques personnes, en petit nombre, pensaient bien que l’objet de sa mission serait de détacher l’Autriche des puissances occidentales, et parmi celles-là une faible minorité croyait au succès d’une pareille tentative. Le comte Orlof arriva dans la soirée du samedi 26 janvier. M. de Fonton, attaché à la légation russe à Vienne, qui était parti de Saint-Pétersbourg quarante-huit heures après le comte Orlof, et vingt-quatre heures après la réception du courrier porteur des dépêches du 13 janvier, avait précédé la veille l’envoyé extraordinaire de l’empereur Nicolas. Le comte Orlof, prétextant une indisposition, fit savoir qu’il passerait la journée du dimanche à se remettre des fatigues du voyage, et qu’il ne verrait que le lundi l’empereur et le comte de Buol. Il y avait bal à la cour le soir de son arrivée. Ces délais y étonnèrent tout le monde. Les paroles de paix se disent vite. L’ambassadeur anglais, lord Westmorland, avait fait justement demander une parole sincère de paix qu’il pût envoyer par le télégraphe à Londres avant l’ouverture du parlement, et qui pût trouver place dans le discours de la reine. Cette honnête impatience ne fut pas satisfaite. M. de Meyendorf donna un bal le dimanche. Du second étage de l’ambassade qu’il occupait, le comte Orlof pouvait entendre la musique et le bruit des salons où il était l’objet d’une si curieuse anxiété ; mais il fallut se résigner à danser cette fois, sinon sur un volcan, du moins sous un mystère.

Le mystère se dévoila deux jours après. Le comte Orlof apportait des contre-propositions russes en réponse aux propositions du 13 janvier. Le véritable objet de sa mission était d’obtenir de l’Autriche une déclaration de neutralité absolue dans la guerre qui existait déjà entre la Russie et la Porte, et qui s’étendrait probablement bientôt aux deux puissances maritimes.

Le sort des contre-propositions russes fut vite décidé. Le 2 février, la conférence les écarta par le protocole suivant :


« Les représentans de l’Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne et de la Prusse se sont réunis en conférence pour entendre la communication que M. le plénipotentiaire autrichien a bien voulu leur faire des propositions présentées par le cabinet de Saint-Pétersbourg en réponse à celles qu’il s’était chargé le 13 janvier de faire parvenir au gouvernement impérial, revêtues de l’approbation des puissances représentées dans la conférence de Vienne. La pièce qui les contient est annexée au présent protocole.