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belligérantes, et les gouvernemens représentés par les soussignés s’engagent à rechercher en commun les garanties les plus propres à rattacher l’existence de cet empire à l’équilibre général de l’Europe, comme ils se déclarent prêts à délibérer et à s’entendre sur l’emploi des moyens les plus convenables pour atteindre l’objet de leur concert.

« Quelque événement qui se produise par suite de cet accord, fondé uniquement sur les intérêts généraux de l’Europe, et dont le but ne peut être atteint que par le retour d’une paix solide et durable, les gouvernemens représentés par les soussignés s’engagent réciproquement à n’entrer dans aucun arrangement définitif avec la cour impériale de Russie ou avec toute autre puissance qui serait contraire aux principes énoncés ci-dessus, sans en avoir préalablement délibère en commun.

« BUOL-SCHAUENSTEIN, BOURQUENEY, WESTMORLAND, ARNIM. »


À Vienne, dans l’atmosphère où vit la conférence, la signature du protocole du 9 avril produisit une sensation profonde, qui s’est bientôt répandue dans tous les cercles politiques de l’Europe. Les partisans de l’alliance russe, là comme ailleurs, avaient espéré que la guerre mettrait fin à la conférence, dont l’œuvre et la destination cessaient, disaient-ils hautement, avec l’état de paix. Le protocole du 9 avril vint porter à cette illusion un dernier et accablant démenti. L’instinct public éleva cet acte aux proportions d’un traité d’alliance ; il ne faisait qu’en devancer les conséquences logiques. Ce qu’il restait de partisans de l’alliance russe à Vienne fut frappé de découragement. La résolution de l’empereur était manifeste. L’aristocratie autrichienne a une vertu qui l’élève dans les circonstances difficiles : c’est la loyauté monarchique ; l’armée et l’administration autrichienne ont l’habitude du devoir. Déjà les manœuvres vraiment révolutionnaires de la Russie parmi les populations chrétiennes de la Turquie, les encouragemens qu’elle donne sans scrupule aux insurrections grecques lui avaient aliéné un grand nombre de ses anciens amis parmi les conservateurs honnêtes et conséquens : aujourd’hui, devant la politique clairement exprimée de l’empereur François-Joseph, il est permis d’espérer qu’il ne lui en reste plus un seul.

Cependant les événemens, bien plus fortement qu’aucune pression diplomatique, posent depuis deux mois au gouvernement autrichien des questions urgentes et comminatoires. L’empereur Nicolas a violé les engagemens qu’il avait pris envers l’empereur François-Joseph : les armées russes ont franchi le Danube. Quand l’Autriche accompagnera-t-elle la France et l’Angleterre sur le terrain de l’action aussi énergiquement qu’elle s’est associée à elles dans le cours des négociations ? Qu’attend-elle pour prononcer le mot décisif ?

Sur ce point si grave, nous croyons encore que l’on ne saurait