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préludent et en réalité équivalent à une déclaration de guerre. L’Autriche le sait bien. Sa sommation va partir de Vienne pour Pétersbourg. Dans le courant de juin, la réponse de la Russie sera connue. L’Autriche et la Prusse n’ont pas attendu cette réponse pour lier la convention du 20 avril avec la convention qui unit les deux puissances déjà belligérantes, la France et l’Angleterre. On sait en effet que ces deux conventions ont été présentées le 23 mai à la conférence de Vienne ; au moment où nous écrivons, nous ne pouvons connaître encore la teneur du protocole qui a solidarisé les deux conventions. Cependant nous ne craignons point de trop nous écarter de la vérité en présumant que ces deux actes seront présentés dans le protocole comme une première mise à exécution de la clause finale du protocole du 9 avril, laquelle prescrit le concert diplomatique des quatre puissances dans toutes les phases de la guerre, et que de plus les premières bases de l’action ultérieure des quatre cabinets y auront été posées. Quant à la réponse de la Russie aux dernières communications de Vienne, elle n’est que trop facile à prévoir : le refus sec et dédaigneux par lequel l’empereur Nicolas vient de repousser comme une importunité fâcheuse les derniers efforts pacifiques du roi de Prusse indiquent assez qu’elle équivaudra à une rupture. Reste la seconde condition de la déclaration de l’Autriche, la présence des armées française et anglaise sur le théâtre de la guerre. L’accomplissement de cette condition n’est plus éloigné de nous que de la distance qui sépare Gallipoli des bords du Danube. Quant à l’Autriche, elle a donné à ses armemens militaires une impulsion gigantesque ; elle a des approvisionnemens énormes ; elle est prête à entrer en campagne. Nous pouvons donc affirmer que nous touchons à la manifestation décisive de la politique autrichienne, dont nous venons d’esquisser le mouvement.

Après avoir suivi la série des importantes transactions que nous avons déroulées, après avoir assisté a ce travail qui a détaché l’Autriche de l’alliance russe, et qui l’a progressivement engagée dans l’alliance des puissances occidentales, nous croyons que nos lecteurs s’uniront à nous pour rendre d’abord aux hommes qui ont conduit ces difficiles négociations la justice qu’ils méritent. Lorsque la question d’Orient s’est directement débattue entre la Russie et la Turquie, le principal théâtre a été Constantinople ; lorsqu’elle est devenue européenne, Vienne en a été le foyer. À Constantinople, nous l’avons reconnu nous-même avec impartialité, c’est l’action de l’Angleterre qui a été le plus en évidence, grâce à la grande situation et à l’esprit d’initiative de lord Stratford de Redcliffe ; à Vienne, c’est la France qui a pris la tête et qui a partagé avec l’Autriche le mérite de la conduite et l’honneur du résultat. L’Autriche, on peut l’avouer aujourd’hui sans inconvénient, a eu longtemps plus de répugnance