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odeur des plus nauséabondes m’eurent chassé de cette saturnale religieuse, et je rentrais chez moi, quand je fus dépassé par plusieurs cavaliers porteurs de lanternes allumées, quoiqu’il fût à peine deux heures de l’après-midi. Mon drogman m’apprit que c’était le feu sacré que l’on allait répandre en Syrie et dans les îles de l’Archipel, et je ne pus me dispenser de lui souhaiter bon voyage.


III. — LE CAMPEMENT DES ANÉSIS.

En arrivant dans ce pays, sans nourrir de grandes illusions, sachant parfaitement qu’un beau cheval arabe est chose fort rare, même en Arabie, je m’attendais à rencontrer un certain nombre d’animaux vraiment remarquables. Cette attente a été complètement trompée, et depuis plusieurs mois que je suis ici, c’est à peine si j’ai vu deux ou trois chevaux de tête. Il n’est pas rare toutefois de rencontrer dans la campagne de charmans petits animaux; mais un travail hâtif et les énormes fardeaux qu’on leur fait porter les arrêtent dans leur croissance, et à quatre ans ils sont tarés dans tous leurs membres.

En arrivant à parler des chevaux orientaux au point de vue du service et de l’équitation, j’avoue que je me sens saisi de timidité à la pensée de heurter les préjugés les plus populaires, et de déclarer ex abrupto n’avoir jamais monté de chevaux plus insupportables que les chevaux de ce pays. Pas de pas, pas de trot, l’allure d’un mulet faisant sonner sa sonnette, ou un galop convulsif assez comparable aux ricochets d’une fusée, le tout rehaussé de coups de tête qui envoient constamment les franges de la bride au nez du cavalier, et d’un soufflement digne d’un phoque reprenant haleine à la surface de l’eau, voilà ce qui, dans les habitudes de ce pays, constitue le hack consommé ou le galant charger, et ce que je n’ai pu encore parvenir à apprécier. Il faut ajouter, pour être juste, que ces défauts proviennent exclusivement de l’équitation de fantasia à la mode chez les Orientaux, et des instrumens de torture dont ils se servent en guise de mors. Je cite à l’appui de cette opinion l’exemple du petit gris qui m’a porté victorieusement à travers les rochers du Liban, et qui commence à trotter et à marcher comme un cheval naturel.

Ici, quelques questions préliminaires. — Existe-t-il un pur sang arabe ?

Le pur sang arabe n’est pas, comme le pur sang anglais, un et indivisible, une seule et même famille; il se subdivise en de nombreuses races dont les plus renommées sont : les Nedji-Saklawy-Djedran, les Kuheglan-el-Hadjouse, les Abou-Arkoub, les Manahich, les Ubéyanes. Puis viennent environ trente familles moins estimées, telles que les Sholyman, les Deham, les Zaklawy-Zabahah,