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l’on perçoit partout ne sont pas régularisées par quelque autorité autre que la volonté de chaque commandant particulier. Je vous assure que toutes les informations que je reçois tendent à prouver que nous marchons à une véritable crise, et vous pouvez tenir pour certain que si un coup de fusil est tiré à Paris, tout le pays se lèvera en armes contre nous. »


Rien n’égale l’énergique indignation des réprimandes dont l’illustre général frappait ceux de ses subordonnés qui ne savaient pas maintenir la discipline parmi leurs soldats. Le contingent hollando-belge avait été placé sous son autorité. Un des corps qui en faisaient partie s’étant porté envers des prisonniers français à des actes de violence et de pillage, il écrivit au prince Frédéric des Pays-Bas, qui commandait ce contingent, que rien ne pouvait excuser ce honteux et affreux désordre, et qu’aucune armée ne pourrait subsister, si une telle conduite était soufferte. — On peut juger de l’exaspération que le duc éprouva en apprenant quelque temps après que des soldats d’une brigade de cavalerie anglaise stationnée à Beauvais, cédant à la contagion générale, s’étaient mis à voler sur le grand chemin. Il est juste de dire que les troupes britanniques se donnèrent bien rarement des torts de cette nature, et qu’il en fut toujours fait une rigoureuse justice.

Tandis que le nord et l’est de la France étaient ainsi traités par les alliés, les départemens du midi se voyaient livrés aux sanglans excès d’une réaction royaliste, et en quelques endroits les autorités fuient réduites à demander qu’on y envoyât aussi des forces étrangères pour leur prêter main-forte. Le gouvernement français, forcé de licencier l’armée, dont les puissances exigeaient la dissolution et sur laquelle d’ailleurs il ne lui était plus permis de compter après l’épreuve du 20 mars, se trouvait dans une impossibilité égale de maintenir l’ordre intérieur et d’opposer une résistance tant soit peu énergique aux sacrifices que la coalition s’apprêtait à lui demander.

Les alliés, après leur victoire, avaient promptement oublié leurs déclarations tant de fois répétées, qu’ils ne faisaient pas la guerre à la France, que Napoléon était leur seul ennemi, qu’ils ne voulaient que son éloignement. L’idée de démembrer notre territoire, de nous enlever la première ligne de nos forteresses sous prétexte que, malgré la perte de toutes nos conquêtes, nous étions encore trop redoutables pour nos voisins, ne tarda pas à être mise en avant par plusieurs des cabinets confédérés. La Prusse et les Pays-Bas, qui, par leur position topographique, eussent été principalement appelés à recueillir nos dépouilles, se prononcèrent surtout dans ce sens avec beaucoup de vivacité. L’Autriche, qui n’y avait pas un intérêt aussi direct, mais dont la politique tendait naturellement à l’affaiblissement de la France, entrait aussi dans cette pensée, bien qu’avec moins