Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/968

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du 20 mars. « Je suis persuadé, disait-il, que si, dans les deux ou trois premières semaines qui ont suivi le retour du roi, on avait pu établir un tribunal militaire pour le jugement des chefs de corps qui s’étaient joints à Bonaparte avant que le roi eût quitté le territoire français… et si on avait fait six ou sept exemples des coupables les plus marquans, les dispositions générales par rapport à la France seraient ici bien différentes de ce que nous les voyons, non-seulement en ce qui concerne le gouvernement du roi, mais aussi sur toutes les questions relatives à la réduction de la puissance et un territoire de la France. » On voit, par une lettre d’un autre membre du cabinet de Londres, de lord Bathurst, que le gouvernement britannique eut un moment la pensée de livrer au gouvernement français les généraux Savary et Lallemand, qu’une ordonnance de Louis XVIII traduisait devant un conseil de guerre. Une insinuation fut même faite dans ce sens au marquis d’Osmond, ambassadeur de France, qui ne montra aucun empressement à s’en prévaloir.

Dans la pensée de lord Liverpool, la question du plus ou moins de rigueur des conditions du traité de paix que la France allait avoir à subir était étroitement liée à celle du degré de sévérité que le gouvernement de Louis XVIII déploierait contre les bonapartistes vaincus. « Qu’advient-il de Bonaparte ? écrivait-il à lord Castlereagh dès les premiers jours de juillet, lorsque Napoléon ne s’était pas encore rendu sur le Bellérophon ; quel parti adoptera-t-on à l’égard de ceux qui l’ont aidé à reprendre son autorité ? Que fera-t-on des armées françaises ? Si ces trois points ne peuvent être résolus d’une manière satisfaisante, la nation anglaise s’attendra, et justement, je pense à obtenir d’autres garanties pour le maintien de la paix au moyen d’une amélioration de la frontière ; elle se croira surtout en droit d’espérer qu’après les énormes dépenses que lui a coûtées le renouvellement de la guerre, après tout le sang précieux qu’elle y a versé, on ne se dessaisira pas de la main mise que nous avons à présent sur la France jusqu’à l’entière conclusion des arrangemens jugés nécessaires pour établir un état de choses satisfaisant. »

Quelques jours plus tard, lord Liverpool insistait sur ces idées en termes plus pressans : « Plus je considère, disait-il, la situation intérieure de la France et le peu de chances de sécurité qui résulte pour l’Europe du caractère et de la force de son gouvernement, plus je suis convaincu que nous devons chercher notre sûreté… dans l’affaiblissement de la puissance française. Cette opinion gagne rapidement du terrain, et… toute paix qui laisserait la France telle que l’avait faite le traité de Paris ou même telle qu’elle était avant la révolution causerait ici une très pénible surprise. » Le 15 juillet,