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revenant de nouveau sur le peu de solidité du gouvernement que l’on venait de rétablir en France, lord Liverpool en tirait encore une fois cette conclusion :


« Nous devons donc penser à nous procurer d’autres sûretés, et nous serions indignes de pardon, si nous quittions la France sans avoir pourvu, par une bonne frontière, à la protection des pays limitrophes. L’idée qui domine ici, c’est que nous sommes parfaitement en droit de nous prévaloir des conjonctures pour enlever à la France les principales conquêtes de Louis XIV. On dit, non sans raison, que la France ne pardonnera jamais l’humiliation qu’elle a subie, qu’elle saisira la première occasion d’essayer de rétablir sa gloire militaire, et que par conséquent notre devoir est de prendre avantage du moment actuel pour prévenir les dangereuses conséquences qui pourraient découler de la grandeur même de nos succès. Il a pu être à propos, l’année dernière, d’essayer les effets d’une politique plus magnanime ; mais ses résultats nous ont complètement, déçus, et nous nous devons à nous-mêmes de pourvoir le mieux possible à notre sûreté… »


Bientôt cependant le premier lord de la trésorerie put entrevoir qu’il serait difficile de donner au traité de paix des bases aussi dures ; mais bien qu’il admit la possibilité de quelque tempérament fondé sur le démantèlement ou l’occupation prolongée de nos places fortes, il était loin, le 26 juillet, d’avoir entièrement renoncé a ses premiers projets. — L’empereur de Russie, disait-il, veut s’ériger en protecteur de la nation française, cela se conçoit ; mais il est tout aussi naturel que les états limitrophes de la France pensent à restreindre son territoire pour se mettre à l’abri de ses attaques, et il doit avoir égard à leurs intérêts. « Une idée bien établie parmi nous, c’est que le maintien de l’autorité et du gouvernement du roi de France après la retraite des troupes alliées est très problématique, et s’il venait alors à être renversé, s’il était remplacé par un gouvernement jacobin ou révolutionnaire,… que penserait-on de ceux qui, ayant la France à leur merci, l’auraient laissée avec tout son territoire, enrichie du pillage de l’Italie, de l’Allemagne, de la Flandre, et n’auraient songé a donner aucune garantie au reste de l’Europe ? »

Apprenant, un peu plus tard, que l’Autriche et la Prusse persistaient à exiger de la France des cessions territoriales, lord Liverpool écrivait, le 11 août, qu’il ne fallait pas oublier que ces deux puissances avaient plus d’intérêts communs avec la Grande-Bretagne que le cabinet de Saint-Pétersbourg. — Une idée qui revient souvent dans sa correspondance, c’est qu’il importe d’en finir promptement, avant que le peuple français se réveille de l’abattement où il est tombé ; c’est que si on laissait à la nouvelle chambre des députés convoquée par Louis XVIII le temps de se réunir, elle pourrait donner un point d’appui au gouvernement et à la nation pour repousser