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les demandes de la coalition. Dans un mémoire annexé à cette correspondance, il est dit que sans doute, si la France eût répondu à l’appel qu’on lui avait fait en l’invitant à secouer le joug de l’usurpateur, on ne serait pas en mesure de lui appliquer le droit de conquête, mais que Napoléon n’ayant succombé que sous les coups des alliés, ceux-ci pouvaient sans scrupule exiger, dans l’intérêt de leur sûreté, tout ce que permettait une politique prudente.

Tels étaient les argumens inspirés à de médiocres hommes d’état par l’effroi qu’ils éprouvaient encore en présence d’un grand peuple accablé sous le poids des plus terribles désastres, foulé aux pieds par un million de soldats étrangers, et livré, pour surcroît de malheur, à de sanglantes dissensions civiles. À ces sophismes de la peur et de la haine, lord Castlereagh, moins absorbé dans les passions et les préoccupations du moment, opposait des conseils de modération qu’il appuyait sur des considérations d’équité, de prudence, d’intérêt bien entendu : il disait qu’on n’amènerait jamais l’empereur Alexandre à adhérer à des conditions aussi dures pour la France ; il représentait que si l’on désirait sincèrement l’affermissement du trône des Bourbons, il ne fallait pas, après les avoir présentés à la nation française comme des médiateurs entre elle et l’étranger, comme un moyen de détourner les vengeances de l’Europe, se servir d’eux pour lui imposer des sacrifices trop pénibles et trop humilians. Il n’était pas, suivant lui, d’une bonne politique de laisser au gouvernement russe l’honneur et les avantages du rôle de protecteur exclusif de la France. Sans doute il y avait entre l’Angleterre et les deux grandes cours allemandes une identité d’intérêts qui n’existait pas au même degré avec la Russie ; « mais, ajoutait-il, je dois pourtant vous faire remarquer que ces deux cours ont besoin d’être surveillées de près en ce moment quant à la manière dont elles poursuivent leurs fins particulières. Je soupçonne que ni l’Autriche, ni la Prusse, et je suis certain qu’aucun des plus petits états n’a le sincère désir d’arriver à un prompt arrangement. Aussi longtemps qu’ils pourront nourrir, habiller et payer leurs armées aux dépens de la France en mettant de plus dans leur poche les subsides de l’Angleterre,… vous ne pouvez supposer qu’ils soient très pressés d’en venir à un accommodement final. » Lord Castlereagh, développant sa pensée, montrait ces gouvernemens avides et pauvres appelant sans cesse sur le territoire français de nouveaux corps de troupes qui achevaient d’épuiser le pays, il affirmait que le nombre de ces soldats n’était pas au-dessous de neuf cent mille ; il mettait de tels procédés en contraste avec ceux de l’empereur de Russie, qui, loin de faire venir de nouvelles forces, témoignait le plus grand empressement a renvoyer celles qu’il avait amenées avec lui aussitôt après la conclusion d’un traité qu’il hâtait