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en hommes pour former des garnisons et des armées capables de les défendre, sans les ressources pécuniaires qui procureraient les moyens d’entretenir ces garnisons et ces armées, ne serait-ce pas les affaiblir plutôt que les fortifier ? Ne serait-ce pas en même temps fournir à la France un juste prétexte de guerre et exciter son orgueil national humilié à tout hasarder pour la pousser avec vigueur’ ? Si la politique des puissances est d’affaiblir la France, qu’elles le lassent sérieusement ; alors qu’elles lui enlèvent sa population et sa richesse en même temps que ses places fortes. »


Il fallait en finir. Le cabinet russe d’une part, et de l’autre lord Castlereagh et le duc de Wellington s’étaient assez promptement accordés sur des bases qu’une note de M. de Nesselrode résumait ainsi à la date du 24 août : — Un certain nombre de places françaises, désignées par le duc de Wellington, seraient occupées pendant cinq ans par les forces alliées ; la ville de Landau, poste avancé que la France possédait depuis Louis XIV au milieu du territoire germanique, serait restituée à l’Allemagne ; la place d’Huningue serait cédée à la Suisse ou démolie ; la portion de la Savoie conservée à la France par le traité de Paris serait rendue au roi de Sardaigne ; on céderait aussi au roi des Pays-Bas quelques districts de la Belgique, que ce même traité avait laissés à la France au-delà de ses anciennes limites ; la France paierait en trois ans une contribution de 600 millions de francs, représentant alors une année de son revenu, et le tiers en serait consacré à construire, sur le territoire belge, des forteresses destinées à protéger ce pays. — Telles étaient les conditions que l’empereur, disait M. de Nesselrode, regardait comme les plus propres à concilier la sûreté future de l’Europe avec les ménagemens que les puissances devaient au gouvernement du roi, dont la consolidation était la première garantie d’un état de paix et de confiance. Le duc de Wellington, en adhérant à ces vues, recommandait, avec sa modération et sa prudence habituelles, de rendre l’occupation militaire qui faisait la base de ce système aussi peu inquiétante et aussi peu blessante que possible pour les Français, de déterminer bien positivement à cet effet l’époque où elle devrait finir, de laisser l’exercice de l’autorité civile aux agens du roi dans la partie du territoire occupée, et enfin d’avoir soin de ne mettre en garnison, dans chaque place forte, que des troupes appartenant aux états à qui on ne pourrait supposer l’intention de la garder définitivement.

Déjà le cabinet de Londres s’était décidé, non sans regret, à déférer aux représentations de ses deux plénipotentiaires ; il les avait autorisés à accepter définitivement le plan proposé, en y ajoutant pourtant la condition aggravante du démantèlement des places de Lille et de Strasbourg. — Cette condition, disait lord Liverpool, était faite