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Le comte de Grignan n’échappa pas plus que ses prédécesseurs à ces difficultés. En 1664, le roi avait cru faire beaucoup en réduisant sa demande à 400,000 livres. L’assemblée des communautés ayant offert la moitié, l’intendant de Besons témoigna aux députés « qu’ils feroient bien mieux de donner contentement tout d’un coup au roy, que, par une conduite de cette qualité, oster la bonne grâce de ce qu’ils pourroient faire. » Enfin ceux-ci allèrent à 400,000 livres, quoiqu’il grand’peine. L’année suivante, on leur demanda 600,000 liv. ; mais ils n’en votèrent également que les deux tiers. En même temps ils accordèrent une gratification de 15,000 livres au premier président d’Oppède pour ses bons services. En 1667, le cardinal de Vendôme écrivit à Colbert : « Nous ferons aveuglément, M. d’Oppède et moi, ce que le roy désire, mais, monsieur, comme ce seroit trahir son service de vous taire l’épuisement de cette province, et l’impossibilité où nous la voyons de faire un effort de gré à gré, je prends la liberté de vous dire encore ce mot, et d’y adjouster que nous ne voyons que les seules voyes de rigueur pour y disposer les espritz. » Le don de cette année et des trois qui suivirent fut encore de 400,000 livres, desquelles, faute de mieux, le gouvernement fut bien obligé de se contenter. Les difficultés avaient même été si fortes en 1668, que le premier président d’Oppède, agent dévoué au gouvernement, fit ses doléances à Colbert dans la lettre significative et caractéristique qu’on va lire :


« Je vous advoue que je n’ay jamais veu une assemblée « le la nature de celle-cy. Nous y avons absolument toute la teste, c’est-à-dire l’église, la noblesse, les procureurs du pays et la première communauté (celle d’Aix)et ceux d’entre les députés qui dépendent de nous, et nonobstant ce, nous n’en pouvons estre les maistres, parce que le nombre des brutaux et geans sans raison y est si grand et si uny par la conformité de leurs humeurs, que nous ne les avons portés où ils sont à présent qu’avec des peines incroyables, et qu’assurément nous trouverons les dernières difficultés à les disposer pour ce qui reste à faire. Nous n’oublions ny intrigue, ny authorité, ny force, ny conduite pour les mener où il faut, et nous continuerons jusque » au bout cette mesme appliquation[1]. »


Les choses en étaient là quand le comte de Grignan fut nommé lieutenant-général de Provence. En 1070, le don gratuit resta fixé à 400,000 livres. L’année d’après, suivant l’ordre qu’il en avait reçu, le comte de Grignan demanda 600,000 livres. De leur côté, les députés offrirent, comme ils faisaient d’ordinaire, le tiers de la somme.

  1. Statistique des Bouches-du-Rhône, t. II, p. 250. — Correspond, administ. sous Louis XIV, t. Ier, p. 332 et suiv.