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tendre à d’autres points, que le Danube est libre aujourd’hui ; les principautés sont évacuées, l’armée d’Omer-Pacha est à Bucharest, et l’Autriche intervient à son tour par l’entrée de son armée dans la Valachie. Le mouvement des troupes autrichiennes est déjà commencé et se poursuit chaque jour.

Aucun fait sans contredit ne pourrait mieux servir à caractériser l’attitude de plus en plus décidée de l’Autriche. Telle est sa part d’action militaire, et les actes diplomatiques sont d’accord avec les actes militaires. On a pu élever des doutes sur le système de conduite de l’Autriche, sur ses vues et ses secrètes intentions. En définitive, il s’est trouvé que si l’Autriche a marché avec plus de lenteur, en conservant une indépendance que sa situation explique, elle n’arrive pas moins exactement au point où sont l’Angleterre et la France. Entrait-elle dans les principautés parce que les Russes se retiraient, ou bien, ce qui est assez différent, les Russes se retiraient-ils parce que l’Autriche allait entrer dans les provinces du Danube ? existait-il un concert secret entre les deux puissances ? La question pouvait sembler obscure il y a quelques jours ; elle ne l’est plus depuis les déclarations récentes du Journal de Saint-Pétersbourg, qui reconnaît que l’attitude de l’Autriche créait à l’armée russe une situation où elle ne pouvait tenir. Par le fait, la Russie, forcée, pour un motif quelconque, d’évacuer les principautés, a essayé de donner à cette évacuation le caractère d’un acte de déférence envers l’Autriche, ainsi que le prouve la communication du 7 août ; elle n’a point réussi, et alors elle restitue à la retraite de son armée le caractère d’un mouvement de concentration. L’entrée de l’armée autrichienne n’est point, comme on voit, le résultat d’une sorte d’intelligence établie avec la Russie ; elle est l’exécution pure et simple de la convention du 14 juin avec la Porte-Ottomane. Cela ne veut point dire que l’Autriche va se trouver immédiatement en hostilité déclarée avec la Russie, bien que l’état où elle se place y ressemble fort ; cela veut dire qu’elle occupe les principautés d’accord avec Omer-Pacha et avec les généraux alliés, pour lesquels sa présence est une garantie contre un retour offensif des Russes, et qui restent libres d’ailleurs de diriger leurs opérations sur le Danube ou sur tout autre point.

C’est là la vérité telle qu’elle ressort des faits et des conditions dans lesquelles s’accomplit l’occupation militaire des principautés par l’armée autrichienne. Le Journal de Saint-Pétersbourg dit que le cabinet de Vienne est sans doute en mesure de faire également respecter l’intégrité de la Turquie par les puissances maritimes, ce qui est la reproduction d’une prétention élevée par M. de Nesselrode dans une de ses dernières dépêches. La Russie n’oublie qu’une chose, c’est que nos armées sont là en vertu de traités, au même titre que celles de l’Autriche, et pour faire justement respecter cette indépendance de l’empire ottoman qu’elle seule a menacée. Quant à l’attitude diplomatique de l’Autriche, elle n’a pas un caractère moins net. Elle est clairement déterminée par l’échange de notes fait le 8 août avec l’Angleterre et la France, pur l’acquiescement du cabinet de Vienne aux conditions de paix venues de Londres et de Paris. Du reste, on a pu le remarquer, entre les conditions primitivement proposées par M. Drouyn de Lhuys et celles qui ont été définitivement sanctionnées par le cabinet de Vienne, il n’y a qu’une différence de rédaction sur l’article qui stipule la révision du traité du 13 juil-