Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le problème militaire est donc résolu en Algérie ; mais l’intérêt se déplace, et il convient de porter sur la double question du peuplement et de l’exploitation du sol africain la part d’attention qui a été jusqu’ici détournée par la guerre. L’œuvre de peuplement est à peine commencée, l’œuvre d’exploitation est mal comprise encore. C’est ce dernier côté du double sujet désigné par le mot colonisation qui nous occupera plus particulièrement ici. C’est en effet sur une direction nouvelle à suivre pour l’exploitation de l’Algérie que nous voudrions appeler la sollicitude du pays et du gouvernement, persuadé que c’est en cherchant le meilleur mode d’exploitation qu’on armera à rendre praticable le meilleur mode de peuplement. Tout le problème de la colonisation est contenu dans la proposition suivante : « Chercher dans quelles proportions sont possibles et avantageuses les cultures à entreprendre, pour savoir à quelle population il convient de livrer l’exploitation du sol algérien. »

L’année 1854, qui a vu les questions de colonisation prévaloir sur les questions militaires, est un excellent point de départ pour étudier l’état des territoires d’Afrique dans leur rapport avec les cultures à établir, avec les populations à distribuer. Des vues d’ensemble sur les cultures les mieux appropriées à L’Algérie, sur les diverses régions colonisables, enfin sur les mesures à prendre pour développer utilement l’exploitation et le peuplement, — tels sont les points capitaux de l’étude que nous essayons. Nous remplirons notre, lâche avec le soin le plus minutieux, en mettant nos observations personnelles, recueillies sur les lieux mêmes, en regard des documens officiels.


I

La situation présente de L’Algérie est résumée dans ces quelques lignes d’un rapport récemment, publié par le gouvernement[1]. « En 1854, les recettes de l’Algérie couvriront les dépenses, celles de l’armée d’occupation exceptées. » Les exportations de 1853 se sont élevées à près de 31 millions, et ont dépassé ainsi de plus de 9 millions celles de l’année précédente. L’excédant des importations sur les exportations représente à peu près les dépenses de l’armée d’occupation. 136,000 Européens fixés aujourd’hui en Afrique, dont 30,000 vivent directement de l’exploitation du sol, donnent lieu à un mouvement de commerce qu’on ne peut porter à moins de 50 millions. – Après vingt ans d’épreuves el de sacrifices, l’Algérie, on le voit, est parvenue, qu’on nous permette une expression vulgaire, à joindre les deux bouts : c’est beaucoup sans doute, mais ce n’est pas assez pour la France. Il ne lui suffit pas que l’Algérie cesse d’être un embarras pour elle, il faut qu’elle devienne une ressource. Or il n’y a pas dans la situation présente assez de germes de prospérité pour que nous n’ayons plus désormais à nous enquérir de l’Algérie, à tenter pour la colonisation et l’exploitation les grands efforts d’ensemble que, sous la féconde impulsion du maréchal Bugeaud, nous avons tentés pour la guerre,

  1. Rapport publié le 20 mai 1854 par M. le ministre de la guerre.