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portée des cours d’eau, ou bien n’ont pas eu assez d’avances pour suffire aux frais d’installation que la culture industrielle exige. À défaut des moyens généraux d’irrigation, que l’état seul peut procurer par de grands travaux de barrage et d’endiguement, les colons ont dû établir sur leurs concessions des puits à manège [norias) ; mais, quoique l’eau du sous-sol se trouve en Afrique à 7 mètres de profondeur en moyenne, une noria coûte 1,800 francs à installer et n’arrose tout au plus qu’un hectare et demi : de là de grands frais à s’imposer pour arroser il hectares, et pourtant 2 hectares arrosés, c’est presque une fortune en Afrique !

Après le reboisement et l’irrigation, voilà donc une dernière condition à remplir : — les frais d’installation à faciliter, le peuplement à mieux distribuer. — Les travaux publics, dirigés dans un sens d’utilité générale, doivent être secondés par d’indispensables modifications apportées dans le système d’installation. L’état, d’après son propre aveu, dépense aujourd’hui 100,000 fr. pour l’installation de chaque village en routes et en conduites d’eau, c’est-à-dire en frais généraux seulement. Ces dépenses n’ont jamais qu’une utilité spéciale et isolée ; ou aura beau les renouveler, elles ne modifieront en rien le système général de l’exploitation du sol africain. Qu’au contraire on dépense 4 millions en travaux de barrage dans la Seyhouse, dans le Chéliff, dans la Mina, etc., et l’on aura donné des possibilités d’irrigation à quarante villages, reliés entre eux et pouvant facilement communiquer de l’un à l’autre, ce qui est un avantage inappréciable dans un pays où le mangue de voies de communication est un obstacle capital au succès du peuplement[1]. Ces quarante villages, où les moyens d’irrigation seraient une garantie à peu près certaine de prospérité, n’auraient pas cependant coûté à l’état plus d’argent que ne lui en coûteront les quarante premiers villages qu’il éparpillera au hasard sur la terre d’Afrique, sans leur avoir assuré de bonnes conditions de culture.

Telles sont les considérations générales sur les ressources et les exigences de l’exploitation agricole de l’Algérie, auxquelles nous rattacherons un tableau des terres exploitées ou colonisables telles que nous avons pu les observer dans les trois provinces de Constantine, d’Alger et d’Oran.


II

Tout le littoral de l’Algérie est fermé par une immense chaîne de rochers ; à cette chaîne il y a quelques points d’intersection qui donnent accès dans la région intérieure : suivons ces plages ouvertes par lesquelles la colonisation a abordé l’Afrique. De la région de l’est et des environs de floue jusqu’à

  1. Au meilleur système de peuplement se rattache en effet un bon système de viabilité. C’est à développer le plus possible les moyens de viabilité en même temps que les moyens d’irrigation que l’état devrait désormais employer toutes les ressources financières dont il peut disposer pour la colonie Jusqu’ici, les travaux hydrauliques n’ont pas de chapitre spécial dans le budget de l’Algérie, mais les routes en ont un du moins. Ce crédit est de 6 millions, et cependant les voies de communication sont loin d’être en rapport avec les besoins de la colonisation africaine.