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pour échauffer les appartemens des villes, mais dans la campagne les rares habitans dépriment le niveau de leurs habitations au-dessous du sol pour y trouver une température un peu moins basse, à peu près comme dans l’Inde anglaise on creuse aussi des demeures souterraines pour éviter l’excès de la chaleur. Virgile nous peint très exactement les peuplades du nord vivant sous terre à l’abri des sévérités du climat :


Ipsi in defossis specubus secura sub altà
Otia agunt terra.


Mais ces loisirs n’ont rien de poétique. Le voyageur anglais, comme tous ses devanciers, nous peint les Tongouses, les Iakoutes, les Tartares sibériens, les Tchoutchis, comme étant d’une saleté repoussante et vivant, au fond de ces trous recouverts de planches et de branchages, dans une malpropreté pire que celle des plus immondes animaux domestiques. Le thé semble une boisson meilleure que l’eau-de-vie pour combattre les effets du froid. C’est aussi ce qui fut observé par le capitaine Ross dans son voyage près du pôle sud. Tout l’équipage se trouva très bien de la substitution du thé aux boissons alcooliques. Les voyageurs en Sibérie remarquent du reste que le thé les tient éveillés, ce qui est un grand avantage, car un profond sommeil où l’organisation ne réparerait pas par un travail continuel les pertes de chaleur que fait le corps dans une atmosphère froide à 30, à 40 degrés Réaumur, ce sommeil, disons-nous, pourrait devenir mortel. Une curieuse dissertation sur les avantages que procure la glace en s’accumulant comme un masque sur la figure, au moyen de l’eau fournie par la respiration, prouve la condition violente de l’homme respirant un air si froid. M. Hill pense aussi que le froid très intense amène le calme dans l’air. Il prend la cause pour l’effet. C’est le calme de l’air et sa transparence qui permettent le rayonnement de la chaleur dans l’espace, et produisent un froid intense qui n’est point mitigé par le contact réitéré de l’air avec les corps terrestres. L’auteur observe très bien qu’on souffre plus d’un froid de 20 degrés, quand il y a du vent, qu’on ne souffre d’un froid de 35 degrés dans le calme ; en effet, dans le premier cas, le renouvellement continuel du contact de l’air avec le corps enlève bien plus de chaleur que ne le fait l’air en repos, même quand le froid est plus intense. C’eut ce qu’on éprouve à Paris comme en Sibérie. Le calme de l’air pendant l’hiver qui vient de finir a singulièrement diminué les souffrances du froid. Le peuple dit, surtout hors des villes : Pas de vent pas de froid.

Un chapitre spécial des Travels in Siberia est consacré à des