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librement part à la discussion. Le chef du village est assisté par divers officiers, dont les principaux sont : le comptable du village (connu généralement dans l’Hindoustan sous le nom de patwari) et le garde champêtre. Le changeur, qui est en même temps l’orfèvre de la commune, le prêtre et l’astrologue (l’un de ces deux est ordinairement le maître d’école), le forgeron, le charpentier, le barbier, le potier, le corroyeur, quelquefois la danseuse et chanteuse publique, complètent assez généralement le personnel des employés communaux.

Ces détails suffisent pour donner une idée du gouvernement d’un village hindou sous un chef, seul intermédiaire entre l’état et les cultivateurs. Toutefois, dans un grand nombre de communes, il existe des propriétaires principaux avec lesquels le gouvernement a à traiter, soit collectivement, soit individuellement, et dans ces villages on distingue, au-dessous des grands propriétaires, des fermiers permanens, des fermiers temporaires, des laboureurs, enfin des artisans, qui se sont établis dans le village, parce qu’ils y trouvent un marché pour les produits de leur industrie. Ceux des cultivateurs qui prennent des terres à ferme, soit des propriétaires, soit du gouvernement, sont connus généralement dans l’Inde sous le nom de rayat, et les petits cultivateurs, plus particulièrement sous celui d’assami. Les véritables rayats ou fermiers permanens transmettent les champs qu’ils cultivent à leurs enfans. Le détail des droits que confère au cultivateur la culture permanente du sol et des obligations qu’elle lui impose, droits et obligations qui varient suivant les localités, nous entraînerait au-delà de notre but actuel. Il nous suffira de constater que l’administration de l’impôt territorial, dans toute l’étendue de l’Inde gangétique (et même dans tout l’extrême Orient), reposait, avant l’invasion mahométane, sur le principe que les lois de Mânou expriment de la manière suivante : « Les sages, qui connaissent les temps anciens, regardent toujours cette terre (Prithivî) comme l’épouse du roi Prithou, et ils ont décidé que le champ cultivé est la propriété de celui qui, le premier, en a coupé le bois pour le défricher[1]. » Le complément de cette règle, au point de vue gouvernemental, est contenu dans un vieil adage des Radjpouts, que nous avons essayé de traduire par ces mots : « La terre à moi, la rente au roi[2] ! »

La notion du droit du souverain à la propriété du sol ne date dans l’Inde que de l’invasion mahométane. La loi mahométane, telle que la comprenait une grande autorité légale de l’école hanifâ, Shams-oul-Aima (de Sarakhs), laissait seulement au malheureux cultivateur de quoi nourrir lui et sa famille pendant une année et de quoi ensemencer

  1. Lois de Mânou (trad. de Loiseleur Deslongchamps), liv. IX, sl. 44.
  2. Tod, Rajast’han, vol. Ier, p. 494.