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ses terres ; elle le soumettrait en outre à la capitation. Les premiers souverains musulmans exercèrent impitoyablement ce droit prétendu, et Aurăngzèbe lui-même, l’arrière-petit-fils d’Akbăr, n’eut pas honte d’ordonner, par un firman qui nous a été conservé, de lever le kharadj (impôt territorial) suivant la sainte loi et les commentaires d’Abou-Hanifa ! Autres étaient, nous venons de l’établir, les conditions fondamentales auxquelles devait satisfaire un gouvernement sage, et plus particulièrement un gouvernement imposé par la conquête, dans la répartition et la perception de l’impôt territorial, première source de ses revenus. Shère-Shâh fut le premier à comprendre et à mettre en pratique, dans l’Hindoustan, un système d’administration qui pût concilier les intérêts du fisc avec ceux des cultivateurs ; mais la courte durée de son règne ne permit de donner à ce système qu’un commencement d’exécution. À l’empereur Akbăr était réservée la gloire d’asseoir l’administration territoriale sur des bases larges et durables. Voici comment il y procéda. Il se proposa : 1o d’obtenir un arpentage exact de la terre ; 2o de déterminer le produit moyen de chaque bigah[1] de terre, et la proportion de ce produit que chaque cultivateur devrait payer au gouvernement ; 3" de fixer un équivalent en argent pour cette proportion une fois déterminée.

Pour atteindre sûrement le premier but, Akbăr résolut et établit un nouveau système de mesures uniformes pour tout l’empire : idée simple et féconde, dont l’application devait nécessairement se ressentir de l’imperfection des connaissances mathématiques et des instrumens de cette époque, mais qui n’en eut pas moins pour résultat de simplifier et de régulariser les rapports des cultivateurs, soit avec le gouvernement, soit entre eux. La base du nouveau système métrique introduit par Akbăr à cet effet fut l’ilâhy gaz, de 41 doigts[2], qui servit à son tour à former l’Akbăry bigah. de 3,000 gaz carrés. Akbăr perfectionna d’ailleurs les instrumens d’arpentage, et des officiers intelligens furent députés dans tout l’empire pour présider aux opérations cadastrales.

  1. Mesure agraire qui varie beaucoup dans l’Inde, mais qu’on peut évaluer en moyenne à environ un quart d’hectare.
  2. On peut voir dans les Useful Tables de J. Prinsep (part Ire), publiées à Calcutta en 1834, le détail et le résultat de l’enquête instituée par le gouvernement suprême pour la détermination de la valeur du gaz ilâhi en mesure anglaise. La moyenne des évaluations se trouvant être de 32,61 pouces anglais, le gouvernement se décida à adopter pour valeur définitive du gaz ilâhi, en nombre ronds, 33 pouces. Le bigah des provinces septentrionales, de Patnâ, Sangor et du littoral de la Narbadda, etc., a été fixé, dans la même occasion, à 3,600 gaz carrés, c’est-à-dire à la surface d’un carré ayant pour côtés (djarrib) 6à gaz ilahi. C’est à cebigah officiel de la présidence du Bengale que se rapporte particulièrement l’évaluation en mesure française mentionnée dans la note précédente, — un quart d’hectare.