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que les qualités qui assignent à Akbăr un rang élevé parmi les plus grands monarques sont de l’ordre civil, et qu’il a moins brillé par ses exploits militaires que par la sagesse de son gouvernement. Si une bravoure poussée jusqu’à la témérité, si la vive intelligence des choses de la guerre, si la rapidité du coup d*œil dans l’action, l’énergie entraînante dans l’attaque, la clémence après la victoire, sont les vertus du conquérant, Akbăr les a possédées sans doute à un haut degré ; mais sa valeur réelle comme souverain d’un vaste empire créé par son ambition, organisé par son génie, se résume essentiellement dans les actes de son administration intérieure. Nous n’aurons pas été le seul à l’affirmer, mais nous aurons peut-être été le premier à faire reposer cette affirmation sur la discussion des faits que la critique historique a dégagés des annales louangeuses des contemporains ou des récits des voyageurs.

Akbăr était ambitieux : le penchant aux émotions de la bataille et aux jouissances de la conquête, s’il lui fut transmis par ses ancêtres, s’était développé naturellement dans une âme aussi ardente, dans une constitution aussi virile que la sienne. Des cinquante ans de son règne, il en passa trente-six dans l’Inde gangétique, et quatorze sans interruption dans le bassin de l’Indus ou dans l’Afghanistân. C’est là sans doute, indépendamment des hautes raisons politiques qui l’appelèrent et le retinrent longtemps dans ces contrées, qu’il se sentait involontairement attiré par les souvenirs de son jeune âge et le voisinage du berceau de Babăr, ce grand homme dont il avait continué la race et l’empire, dépassé la puissance et la gloire. Nous avons dit qu’après avoir affermi sa domination dans le nord, il avait reporté son attention sur le sud et résolu d’entreprendre la conquête du Dăkkhăn. On l’a beaucoup blâmé d’avoir voulu étendre sa puissance de ce côté ; mais Elphinstone a fait observer, avec sa justesse accoutumée et sa connaissance des peuples et des mœurs de l’Orient, que les pays qu’Akbăr envahit avaient jadis été soumis à la couronne de Dehly, et qu’il eut encouru bien plutôt le blâme qu’il n’eût obtenu les louanges de ses contemporains, s’il eût négligé l’occasion de reculer les frontières de son empire au-delà de la Nărbăda. Quoi qu’il en soit, il ne saurait être douteux, d’après l’ensemble de tes actes, qu’Akbăr plaçait sa véritable gloire dans la bonne administration de ses États, et qu’il voulait surtout confier à la reconnaissance des peuples l’immortalité de son nom.

Los sages règlemens qu’il mit en vigueur, et dont il surveillait Lui-même l’exécution avec le zélé le plus infatigable et le plus minutieux, embrassaient toutes les branches du service public et le service de la maison impériale. Semblable en ce point à notre Charlemagne (qui a montré autant de génie avec moins de connaissance et