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pratique constante du bien, dans la subordination des attachemens mondains à l’amour de l’humanité, et surtout dans l’habitude de rapporter à Dieu chaque pensée, chaque détermination, chaque acte de la vie.

Nous manquons de détails sur la forme définitive donnée par Akbăr au culte ilâhi. Une religion aussi spirituelle et aussi abstraite n’admettait probablement pas, dans les convictions de ce grand homme, des formes liturgiques ou des démonstrations extérieures compliquées. Aussi Akbăr fut-il le seul pontife et le seul ministre du nouveau culte, et ce culte n’eut point de temples. Les efforts d’Akbăr et de ses amis tendirent constamment à discréditer le prophète arabe et ses doctrines, ainsi que les pratiques de l’islamisme ; mais l’obligation par lui proclamée, de ne servir la cause de sa grande réforme que par la persuasion, s’opposait à ce qu’il gênât ouvertement les musulmans dans l’exercice de leur religion et à ce qu’il imitât les sectateurs du Korân ou des Védas en élevant autel contre autel, en confiant à des ministres particuliers l’enseignement et la propagation de la foi nouvelle. Comprenant toutefois qu’il pouvait être indispensable au but qu’il se proposait de populariser sa doctrine par l’adoption de quelques cérémonies qui s’adresseraient à des objets extérieurs liés d’une manière évidente et intime à l’adoration du Créateur, il eut recours à certaines pratiques de l’astrolâtrie qui lui semblaient concilier ce que lui dictait sa conscience avec la nécessité de se prêter dans des limites raisonnables aux faiblesses et aux tendances matérielles de la multitude. Les savans pouvaient entretenir des opinions différentes au sujet de l’existence des esprits, de l’unité divine, de l’être existant par lui-même, quelques sectes pouvaient admettre la légitimité de ces notions, d’autres les nier ; mais il n’y avait pas de négation possible au sujet de l’existence du feu, de la splendeur et de la bienfaisance du soleil. Raisonnant d’après ces prémisses, Abou’l-Fazl exprime dans les termes suivans l’importance du grand exemple qu’Akbăr voulut donner chaque jour à ses sujets :


« L’empereur ne se permet jamais de tourner en ridicule les opinions d’aucune secte ou religion ; il ne songe qu’à faire un bon emploi de son temps et à ne négliger aucun de ses devoirs religieux, en sorte que, grâce à la pureté de ses intentions, chaque action de sa vie puisse être considérée comme un hommage à la Divinité. Plein de reconnaissance envers la Providence, il lui demande sans cesse de le guider dans l’examen de sa propre conduite ; mais il implore plus particulièrement cette faveur à certaines heures de la journée. Ainsi, au point du jour, au moment où le soleil émet ses premiers rayons, à midi quand ce flambeau de l’univers resplendit de tout son éclat, et le soir quand il se dérobe aux regards des habitans de notre globe, à minuit enfin, lorsqu’il va recommencer sa marche ascendante, — ces grands mystères se