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L’initié recevait ensuite quelques instructions ou injonctions spéciales, qui sont mentionnées dans l’Ayîn-Akbăry.

À toutes ces injonctions positives, Akbăr avait ajouté une recommandation expresse, à tous les vrais disciples, de ne point porter de barbe au menton. Nous ne saurions trouver d’autre explication à cette étrange répugnance d’Akbăr que le désir passionné qu’il éprouvait de contrarier en tout les prescriptions du Korân. Il paraîtrait même, d’après les relations des jésuites et d’autres témoignages, que l’antipathie d’Akbăr pour tous les signes extérieurs et pratiques de la religion musulmane le porta à encourager ses sujets musulmans à ne plus fréquenter les mosquées, qu’il n’hésita pas à souiller plusieurs de ces temples de l’islamisme en les convertissant en écuries, en magasins, qu’il fit abattre les minarets, etc. Cependant ces démonstrations intolérantes et passionnées nous semblent tellement opposées au caractère d’Akbăr, que nous doutons de l’exactitude de ces assertions.

Nous avons déjà eu occasion de remarquer qu’Akbăr respecta singulièrement les habitudes religieuses et les préjugés des Hindous. Le prince Sélim (depuis Djâhăn-Guîr) ayant demandé à son père quel était le motif de ces ménagemens pour des idolâtres, Akbăr lui répondit : « Mon cher enfant, je suis un puissant monarque, l’ombre de Dieu sur la terre. Je vois que le Tout-Puissant accorde les bienfaits de sa gracieuse providence à toutes les créatures sans distinctions ; je remplirais mal les devoirs du rang suprême, si je retirais ma compassion ou mon indulgence d’aucun de ceux qui sont confiés à ma charge. Je suis en paix avec la grande famille humaine, avec toutes les créatures de Dieu : pourquoi donc me permettrais-je, par quelque motif que ce fût, d’être la cause de molestations ou d’agressions envers qui que ce soit ? D’ailleurs les cinq-sixièmes de l’humanité ne se composent-ils pas, soit d’Hindous, soit d’autres infidèles ? et si je me laissais aller aux sentimens qu’indique la question que vous m’adressez, quelle autre alternative me resterait-il que de les exterminer tous ? J’ai donc cru que le parti le plus sage était de les laisser tranquilles. — Il ne faut pas oublier d’ailleurs que la classe dont nous parlons, ainsi que les autres habitans d’Agra, est utilement occupée, soit de l’étude des sciences, soit de la pratique et du perfectionnement des arts utiles à l’humanité. Un grand nombre d’Hindous sont arrivés aux plus hautes distinctions dans l’état, et l’on rencontre, à vrai dire, dans cette capitale des hommes de toutes les races et de toutes les religions qui existent sur la surface du globe, et auxquels je dois une égale protection. »

On peut rapprocher cette admirable réponse, qui nous a été trans- (MANQUE UNE LIGNE)