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« Comme la différence des langues est un obstacle entre nous, il serait à désirer que vous voulussiez bien m’envoyer une personne qui fût en état de me faire comprendre toutes les hautes questions, afin que je puisse les graver dans mon esprit. — J’ai entendu dire que les livres divins, tels que le Pentateuque, les Psaumes et les Évangiles, ont été traduits de l’arabe en persan : si Fon peut se procurer dans votre pays ces traductions ou celles de tous autres livres d’une utilité générale et parfaite, faites qu’ils me soient envoyés.

« Afin de cimenter notre amitié et de donner une base plus solide à l’affection qui doit nous unir, nous avons envoyé vers vous le refuge de la sayadat (descendance des prophètes), le personnage rempli de mérites qui nous a donné maintes preuves de fidélité et d’un entier dévouement, Săyed Măzăffer, qui est l’objet de notre faveur et de notre distinction particulières. — Il est chargé de vous communiquer quelques paroles de notre part. — Fiez-vous à ce qu’il vous dira. — Tenez toujours ouvertes les portes de la correspondance et des ambassades réciproques, et que la paix soit avec celui qui suit le divin guide !

« Écrite dans le mois de rabby al avvăl 990 (avril 1582). »

Cette belle lettre n’a pas besoin de commentaire ; elle prouve clairement que, chez Akbăr, le désir de s’instruire dans la religion chrétienne était une idée fixe qui justifiait les tentatives faites à diverses reprises pour amener sa conversion. À un siècle et demi de là, un autre grand souverain, un conquérant dont le nom doit sa célébrité fatale aux instincts de destruction et de pillage qui lui firent envahir l’empire moghol et massacrer les habitans de Dehly, Nadăr-Shâh, prétendait s’instruire des dogmes de la religion chrétienne dans l’intention de substituer aux croyances de l’islamisme un culte mixte de son invention. Comme Akbăr, il fit traduire nos saintes Écritures, et quand ce grand travail fut terminé, il se le fit apporter à son camp (près de Therân) au mois de mai 1741[1], par les principaux membres de la commission qu’il avait instituée à cet effet, et qui se composait de moullahs, de prêtres juifs, arméniens et chrétiens. Nadăr les reçut à peu près civilement et jeta un coup d’œil sur leur version. Il s’en fit lire ensuite certaines parties, ce qui amena de sa part quelques plaisanteries sur les mystères de la religion chrétienne. Il se moqua, par la même occasion, des Juifs, et tourna également en ridicule Mohammăd et Aly. Il remarqua que les évangélistes ne s’accordaient pas plus dans leurs récits que ne le faisaient les prêtres chrétiens et les docteurs musulmans ; il en

  1. La traduction, commencée, selon le père Desvignes, au mois de mai 1740, selon Hanway à la fin de la même année, fut terminée en six mois. Les missionnaires ne purent obtenir une copie de leur travail