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moins de grandeur, d’habileté et de sagesse dans l’administration de cette cour vraiment impériale et dans ses rapports avec ses sujets de toutes les classes que dans la direction des affaires politiques. L’ordre, l’économie, un tact intelligent et minutieux et cependant libéral, caractérisent les mesures adoptées par Akbăr et par son ministre dans les différentes branches du service intérieur comme dans celles du service public. Nous ne trouvons pas de détails précis sur toutes les sources qui venaient alimenter le trésor impérial, mais nous avons déjà vu que l’impôt territorial produisait, à lui seul, plus de 200 millions de notre monnaie (valeur de beaucoup supérieure à celle qu’exprimerait le même chiffre aujourd’hui). Les tributs et les nazers (présens) offerts à l’empereur, suivant l’usage de cette époque, s’élevaient annuellement à une somme bien plus considérable. On rencontre dans les Mémoires de Djăhân-Guîr des indications évidemment exagérées sur les immenses richesses de son père en or et en pierres précieuses, mais les indications plus sérieuses d’Abou’l-Fazl et de Ferishta ne sauraient laisser aucun doute sur l’accumulation vraiment extraordinaire d’or et d’argent monnayés et en lingots, de diamans, de rubis, de perles, etc., que ce long règne avait réalisée. Il est également certain qu’en même temps qu’Akbăr pouvait passer pour le souverain le plus riche qui fût alors au monde, il était aussi le plus libéral et le plus bienfaisant. Les traitemens assignés par lui aux mansabdars, et dont Abou’l-Fazl nous a transmis le détail, témoignent de sa munificence, en même temps que le chiffre des pensions, secours et aumônes, également mentionné par lui dans plusieurs chapitres de l’Ayîn-Akbăry, donne l’idée la plus élevée de cette bienfaisance toujours active et prévoyante qui caractérisait particulièrement le fondateur de l’empire moghol. Ferishta confirme pleinement les assertions d’Abou’l-Fazl sur tous ces points : il nous représente Akbăr comme entretenant un établissement de cinq à six mille éléphans, de douze mille chevaux, de mille chameaux, de près de mille léopards, pour la chasse. Jamais aucune cour impériale ou royale n’avait déployé autant de grandeur et de magnificence. Le monde asiatique n’est plus dans des conditions où cette exubérance de représentation somptueuse puisse ou doive se reproduire, mais les peuples de l’Hindoustan, malgré la simplicité de plusieurs de leurs habitudes, seront longtemps encore amis du faste et du cérémonial le plus coûteux, — dans de certaines occasions pour eux-mêmes, en toute occasion pour leurs chefs.

Akbăr était musicien, il avait inventé plus de deux cents modes musicaux qui faisaient les délices de tous ceux qui les entendaient, s’il faut en croire Abou’1-Fazl, qui nomme trois de ces inventions ou compositions de l’empereur. Il était fort avide d’instruction et