Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conseillers, moins la soif d’élévation politique et de domination ostensiblement exercée ; leur vie était dirigée par les mêmes principes et tendait au même but.

D’un autre côté, le peuple sous la révolution française a été pris de la même ambition. Il a cherché, lui aussi, à sa manière, la monarchie universelle et l’unité du monde, pour d’autres motifs sans doute que les souverains des XVIe et XVIIe siècles, mais avec autant d’ardeur, de violence et d’ambition. L’opinion de certains révolutionnaires modernes, qui ont voulu voir dans les jacobins d’excellens catholiques et dans les septembriseurs des missionnaires de la foi, tout odieuse qu’elle soit, n’est pas, au point de vue politique, entièrement dépourvue de justesse. Il est certain que les idées qui sont au fond du système catholique, l’idée de l’autorité et celle de l’unité, se retrouvent perverties et faussées sans doute, mais bien entières et très absolues, dans le système des conventionnels. La révolution française, qui n’eut d’abord d’autre ambition que celle de propager ses principes, en vint bientôt, lorsqu’elle eut été attaquée et combattue, à vouloir les imposer par la force à l’Europe entière. Le drapeau tricolore, qui devait faire le tour du monde comme emblème de la fraternité moderne des peuples, le fit en effet, mais comme étendard triomphant et signe de domination politique ; et comme s’il eût voulu clairement montrer que cette idée de domination universelle par le peuple était au fond identique à l’idée de domination universelle par les rois, le destin suscita un homme qui, réunissant en lui-même les deux ambitions, celle du peuple dont il était issu et qui l’avait sacré, celle des rois dont il avait relevé la couronne et dont il héritait, poussa ce rêve plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs, plus loin que Charles-Quint et que Louis XIV.

Nous savons maintenant d’où cette idée de monarchie universelle est sortie. C’est une idée essentiellement romaine et catholique, que les peuples protestans ont toujours repoussée avec autant de violence que les peuples catholiques en mettaient à vouloir l’imposer. L’histoire moderne tout entière n’est que le récit de la longue lutte engagée entre ces deux tendances. Les guerres religieuses du XVIe siècle, la guerre des Pays-Bas et la guerre de trente ans, les deux révolutions d’Angleterre, les luttes de la révolution et de l’empire elles-mêmes, n’eurent pas d’autre cause et ne contiennent pas d’autre enseignement.


II.

Cette idée de monarchie universelle, sous quelque belle apparence qu’elle se présente, a deux grands défauts cependant : c’est une