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tienne absolument à payer sa gloire. La fortune a voulu que cette lutte lui échût dans des conditions intérieures entièrement renouvelées. Voici plus de deux ans déjà que s’est accompli ce changement dans l’état intérieur de la France. Il serait hors de propos, on le conçoit, d’en examiner tous les caractères, tous les résultats. On peut voir quelques-uns de ces résultats dans un rapport récent adressé à l’empereur par le ministre de l’intérieur, sorte de testament de M. de Persigny au moment de se retirer du ministère qu’il occupait depuis le 23 Janvier 1852. M. de Persigny en effet vient de quitter le pouvoir, et il a quitté Paris en même temps que le pouvoir : c’est là le principal incident de ces derniers jours. L’ancien ministre est remplacé par le président du corps législatif, M. Billault. Ce n’est point évidemment, ainsi que le dit le ministre nouveau, un revirement politique. Quel est cependant le régime où les changemens ne s’expliquent pas par un motif, où les influences ne trouvent pas à s’exercer ? Toujours est-il que M. de Persigny n’est plus ministre aujourd’hui. Il ne se donne point lui-même, selon ses expressions, comme un administrateur expérimenté ; il se donne comme un homme dévoué à l’empereur et à sa pensée depuis de longues années. C’est à titre d’homme de confiance, selon ses paroles encore, qu’il était placé en 1852 au poste principal de l’administration intérieure, pour communiquer à tous les fonctionnaires le sentiment de la force de la cause qui avait triomphé le 2 décembre, et la foi dans son avenir. Le rapport que publiait M. de Persigny à la veille de sa retraite est le résumé de ce travail de deux années. État de la presse, élections, réformes accomplies dans l’organisation administrative de la France, situation financière des communes, cités ouvrières, services télégraphiques, le rapport passe en revue tous ces élémens, toutes ces questions, qui sont du ressort de l’administration intérieure, et, comme de raison, le ministre du 23 janvier 1852 n’a à constater que des résultats pleinement satisfaisans.

C’est au sujet de la presse particulièrement que M. de Persigny constate les meilleurs résultats du décret organique auquel elle est soumise. Comme il le dit, il n’y a plus de procès de presse, le régime disciplinaire suffit, en quoi il faut être de l’avis du rapport. Du reste le ministre se plaît à reconnaître la modération de la presse, la dignité du langage des écrivains, les sentimens patriotiques exprimés dans les circonstances actuelles. On pourrait ajouter qu’en toute autre situation l’appui prêté par la presse au gouvernement à l’occasion des affaires extérieures n’eût point été peut-être moins efficace. Dans la partie plus indépendante de la politique, on le sait, l’administration publique a été l’objet, depuis quelques années, de nombreux remaniemens que constate le rapport de M. de Persigny. C’est ainsi qu’a été réalisée la décentralisation administrative, qui au fond n’est qu’une extension des attributions des préfets. Une des réformes les plus utiles, relativement aux fonctionnaires administratifs, est celle qui permet au gouvernement d’élever ces fonctionnaires à un rang supérieur dans la hiérarchie sans les déplacer, en rendant en un mot l’avancement indépendant de la résidence. Pourquoi en effet l’administrateur habile qui s’est distingué par son zèle ne recevrait-il pas le prix de ses services là justement où il s’est rendu utile, et où sa connaissance de tous les intérêts locaux peut assurer son influence, l’efficacité de son action ? Il n’est point certain qu’il y ait le même avantage dans une réforme récente qui a créé pour les fonctionnaires civils ce qu’on nomme un